SUPERFLUIDITÉ
Le cas de l'hélium 3
En 1972, à l’université Cornell, Douglas Osheroff, Robert Richardson et David Lee ont découvert que l'hélium 3 présente, au-dessous de 2,5 × 10−3 K, plusieurs phases superfluides distinctes qui sont à la fois anisotropes et magnétiques. Bien que la théorie de la superfluidité de l'hélium 3 semble donc, à première vue, beaucoup plus complexe que celle de l'hélium 4, elle est aujourd'hui mieux établie, car voisine de celle de la supraconductivité.
Une faible attraction d'origine magnétique existe en effet entre atomes d'hélium 3, et elle est susceptible de les associer par paires, lesquelles subissent alors une condensation de Bose-Einstein. La superfluidité de ce système tient à ce que toute perte d'énergie passe par la brisure d'une paire, ce qui coûte au moins son énergie de liaison. Il faut remarquer ici que, comme dans un supraconducteur, ces paires ne sont pas des molécules, la distance entre atomes d'une paire étant grande par rapport aux dimensions d'un atome isolé. C'est un appariement collectif. Enfin, contrairement cette fois aux électrons des supraconducteurs, les hélium 3 s'apparient de façon anisotrope, car ils sont dans des états de spin total et de moment orbital non nuls. A. J. Leggett montra en 1973 que les deux phases prévues respectivement par P. W. Anderson et P. Morel en 1960 puis par R. Balian et N. R. Werthamer en 1963 et qui correspondaient à deux états de symétrie différents n'étaient autres que les états A et B observés à Cornell.
Dans la zone du millikelvin, l'hélium 3 présente donc une diversité de propriétés physiques d'une grande richesse, puisqu'il est à la fois superfluide, magnétique et anisotrope. La superfluidité a été vérifiée lors d'expériences analogues à celles réalisées dans l'hélium 4. On a mesuré en particulier la variation en température de la viscosité de l'hélium 3 superfluide et de sa vitesse critique, et mis en évidence les deuxième et quatrième sons. On remarquera, à ce propos, que la distance entre atomes d'une paire étant de plusieurs dizaines de nanomètres, la superfluidité de l'hélium 3 n'existe pas, en principe, dans des pores de dimension inférieure ni dans des films très minces.
Les effets d'anisotropie sont particulièrement marqués dans la phase où existent des textures magnétiques analogues à celles des cristaux liquides. La topologie des défauts dans ces systèmes présente, elle aussi, des particularités intéressantes ; la superfluidité, par exemple, n'est pas nécessairement détruite au cœur d'un tourbillon d'hélium 3 superfluide, contrairement au cas de l'hélium 4. Une grande variété de structures possibles de tourbillons a été observée dans l'hélium 3 superfluide en rotation, en particulier par l'école finlandaise autour d’Olli Lounasmaa et Matti Krusius dans les années 1980. Quant aux propriétés magnétiques, elles ont été étudiées grâce aux différentes méthodes de résonance magnétique nucléaire. Un effet particulier existe, appelé résonance longitudinale, dans lequel l'amplitude du spin total des paires oscille et correspond à une sorte d'effet Josephson interne. Enfin, l'anisotropie de l'énergie de liaison des paires d'hélium 3 donne naissance à de nombreux autres modes collectifs (flapping mode, clapping mode, etc.) qui correspondent aux diverses façons dont la fonction d'onde des paires peut vibrer ou se déformer.
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Écrit par
- Sébastien BALIBAR : directeur de recherche émérite CNRS, Laboratoire de physique de l'École normale supérieure, Paris, membre de l'Académie des sciences
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