SUPERFLUIDITÉ
Les gaz froids quantiques
Il est possible de préparer des gaz monoatomiques (gaz dont les constituants sont des atomes individuels) et de les observer pendant quelques secondes bien que leur état stable soit l'état solide. En effet, le regroupement des atomes dans un état dense nécessite des collisions « à trois corps » dont la probabilité est faible. C'est ainsi que de nombreuses équipes ont trouvé la condensation de Bose-Einstein dans des vapeurs alcalines puis dans beaucoup d'autres gaz : hydrogène, hélium, potassium, chrome, dysprosium, erbium, vapeurs de molécules, etc.
Dans un système comme l'hélium liquide où les interactions entre atomes sont fortes, il est beaucoup plus facile de mettre en évidence la superfluidité que la condensation de Bose-Einstein (BEC). Dans les gaz quantiques, qui sont dilués et où les interactions entre atomes sont faibles, c'est l'inverse : la BEC est relativement accessible, mais la superfluidité difficile à mesurer. Le nombre d'atomes condensés varie typiquement de 103 à 108 et leur densité est d'environ 1013-1014 atomes par centimètre cube alors que dans l'hélium 4 liquide elle est d'environ 2 × 1022 par centimètre cube. Pour ces gaz quantiques dilués où la distance interatomique est relativement grande, la température de condensation est inférieure à 1 microkelvin. Ces gaz sont refroidis par interaction avec des faisceaux laser dans un piège magnéto-optique. Lorsqu'on ouvre le piège, les atomes sont relâchés et tombent sur un détecteur qui mesure leur distribution de vitesses. Un pic étroit apparaît dans cette distribution lorsque les atomes se rassemblent sur un seul état quantique. L'observation directe de ces gaz d'atomes piégés est aussi possible avec des méthodes optiques qui ne sont pas toutes destructives.
Les deux propriétés superfluides principales qui ont été mises en évidence dans ces gaz sont la disparition de la viscosité et la quantification des tourbillons. Pour mesurer la viscosité, Ketterle a déplacé un faisceau laser à travers un condensat. Ce laser extrait des atomes du condensat et son déplacement transfère une quantité de mouvement aux atomes dans l'état normal, mais pas dans l'état superfluide, sauf si le déplacement dépasse une vitesse critique égale à la vitesse du son. On retrouve donc l'existence de la vitesse critique prédite par Landau en 1941.
Pour étudier les tourbillons, on refroidit un gaz en rotation. La condensation de Bose-Einstein provoque l'apparition de tourbillons tous identiques dont le nombre est proportionnel à la vitesse de rotation initiale. Ces tourbillons s'arrangent en réseau triangulaire dense comme prédit par Abrikosov. Les images de ces réseaux de tourbillons sont très semblables dans l'hélium 4 superfluide, dans les gaz quantiques condensés et dans les supraconducteurs.
La condensation de Bose-Einstein a été observée non seulement dans des gaz de bosons comme le sodium 23, le rubidium 87, le potassium 41, le lithium 7, mais aussi dans les gaz de fermions correspondants, en particulier dans le lithium 6 et le potassium 40. En s'appariant, les fermions deviennent des bosons composés. Selon l'intensité de leurs interactions, les atomes forment soit des molécules soit des paires d'atomes relativement éloignés comme expliqué pour les électrons dans la théorie BCS de la supraconductivité. En d'autres termes, l'appariement peut être individuel ou collectif. En appliquant un champ magnétique variable, on a pu observer le passage continu d'une condensation de type BCS à une condensation BEC de molécules.
L'équipe de Christophe Salomon (École normale supérieure, Paris) a même réussi à observer un mélange de deux superfluides différents (Ferrier-Barbut, 2014), du lithium 6 et du lithium 7, ce que les spécialistes de l'hélium[...]
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Écrit par
- Sébastien BALIBAR : directeur de recherche émérite CNRS, Laboratoire de physique de l'École normale supérieure, Paris, membre de l'Académie des sciences
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