SUPPORTS / SURFACES
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Une formule + des artistes = un mouvement ?
Il importe donc de ne pas faire de Supports/Surfaces un phénomène autonome et isolé, ni même un groupe rigoureusement organisé : ce fut bien davantage une formule efficace, autour de laquelle s'agrégèrent temporairement un certain nombre d'artistes.
Nulle proclamation fondatrice n’a par exemple été signée. Le texte qui se rapprocherait le plus de ce que l’on attendrait d’un manifeste figure en 1969 dans le catalogue d’une exposition à laquelle participèrent Louis Cane, Daniel Dezeuze, Patrick Saytour et Claude Viallat, au musée des Beaux-Arts du Havre. On pouvait y lire : « L’objet de la peinture, c’est la peinture elle-même, et les tableaux exposés ne se rapportent qu’à eux-mêmes. Ils ne font point appel à un „ailleurs“ (la personnalité de l’artiste, sa biographie, l’histoire de l’art, par exemple). Ils n’offrent point d’échappatoire, car la surface, par les ruptures de formes qui y sont opérées, interdit les projections mentales ou les divagations oniriques des spectateurs. »
Mais l’exposition du Havre s’intitulait seulement La Peinture en question – Vincent Bioulès n’avait pas encore inventé le label « Supports/Surfaces », dont cinq expositions tout au plus devaient se prévaloir dans les années 1970 : à l’ARC bien sûr, à la Cité universitaire à Paris en avril-mai 1971, au théâtre municipal de Nice en juin de la même année, à la librairie Les Idées et les Arts de Strasbourg, et à la chapelle des Dominicains à Montpellier en 1972. La liste des participants était à chaque fois différente.
On peut, avec Bernard Ceysson, choisir de ne rattacher à Supports/Surfaces que les artistes ayant, une fois au moins, figuré dans l’une de ces manifestations : André-Pierre Arnal (1939-2024), Vincent Bioulès, Louis Cane (né en 1943), Marc Devade, Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Toni Grand, Bernard Pagès (né en 1940), Jean-Pierre Pincemin (1944-2005), Patrick Saytour, André Valensi, Claude Viallat. Ce parti pris, adopté pour la grande exposition-bilan organisée au musée d’Art moderne de Saint-Étienne en 1991, a le mérite évident de la clarté. Mais celui qu’a retenu Marie-Hélène Grinfeder, pour son livre Les Années Supports Surfaces, d’étendre la liste à des peintres comme Pierre Buraglio (né en 1939), Christian Jaccard (né en 1939), Jean-Michel Meurice (1938-2022) ou François Rouan (né en 1943), n’est pas illégitime – on pourrait d’ailleurs ajouter d’autres noms.
Les désaccords sur la nature exacte et l’extension de ce qu’on appellera donc, faute de mieux, le « mouvement » Supports/Surfaces sont, si l’on ose dire, originaires. À l’exposition de l’ARC, un tract circulait, signé par Devade, Dezeuze et Cane, proclamant que les exposants ne constituaient pas « un groupe cohérent ». Ce libelle inaugurait une longue série de polémiques, conformes à la tradition des avant-gardes, mais exacerbées par l’atmosphère houleuse de l'après-Mai-68, qui devaient non pas même précipiter la dislocation d'un groupe, mais empêcher sa véritable constitution.
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Écrit par
- Didier SEMIN : professeur à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris
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