SUPPORTS / SURFACES
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L’apport des œuvres
L’invraisemblable folklore qui accompagna les manifestations signées Supports/Surfaces, l’abondance de tracts, de pugilats théoriques, les efforts désespérés pour tisser une doctrine qui intégrerait la peinture abstraite dans une improbable logique psychanalytico-maoïste font aujourd’hui sourire. Mais il serait dommage que cet aspect un peu dérisoire de l’époque continue d’occulter durablement des œuvres profondément novatrices, souvent d’une très grande élégance, et d’une subtilité sans rapport avec la lourdeur des débats qui les portaient.
L’usage de la toile libre (chez presque tous les artistes), des colorants et des tampons (chez Viallat, Cane, Devade, Dolla), des techniques de pliage (Cane), de tressage (Rouan), de trempage (Meurice, Dolla), le jeu avec les châssis désolidarisés de la toile (Dezeuze), l’éloge du geste simple (chez Viallat, Pagès, Grand ou Dolla), l’invention d’accrochages hétérodoxes qui faisaient dégringoler les toiles du plafond ou des fenêtres, ou colonisaient des champs et des prairies, le brouillage des frontières entre peinture et sculpture sont autant d’éléments d’un langage pictural assez unique, cohérent et rythmé, dont le charme continue d’agir. L’exposition organisée en 1991 à Saint-Étienne par Bernard Ceysson en a magnifiquement administré la preuve.
L'invention de Supports/Surfaces, spécifiquement française, a coïncidé avec le recul de notre pays sur la scène artistique internationale. Cela n’a évidemment pas facilité le travail des artistes, dont le rayonnement a rarement dépassé le cadre de nos frontières – ils ont souvent, par la suite, évolué vers des registres très différents (retour à la figuration pour Bioulès, Cane, Dezeuze ou Pincemin, adoption d’une esthétique baroque pour Pagès ou Grand...). Une histoire de l’art reste à faire qui dépasserait les préjugés nationalistes et les classifications conjoncturelles, pour mettre en évidence le lien souterrain qui unit certainement, dans les années 1970, les travaux des Américains Robert Morris ou Barry Le Va avec ceux de Dezeuze ou de Pagès, les toiles de Viallat et celles de Buren, l’Arte Povera et les bois découpés de Toni Grand ou les bricolages de Noël Dolla.
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Écrit par
- Didier SEMIN : professeur à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris
Classification
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