SUPRACONDUCTIVITÉ
Théories phénoménologiques de la supraconductivité
Ces propriétés magnétiques très spéciales ont suscité beaucoup de travaux théoriques tentant de les expliquer. Avant que soit connue la raison profonde de la transition supraconductrice, des modèles phénoménologiques de la supraconductivité ont été avancés.
Théorie de London
En 1935, Fritz et Heinz London, en Allemagne puis en Angleterre, utilisèrent le fait expérimental de la résistance nulle pour développer une théorie hydrodynamique d’un fluide à viscosité nulle, assimilant l’écoulement des électrons dans un supraconducteur à un tel fluide. Ils montrèrent que s’établissait un courant superficiel créant un champ magnétique de sens opposé et annulant le champ magnétique extérieur. Le courant circule sur une profondeur λL, dite longueur de pénétration de London, à partir de la surface. Pour les métaux courants, λL varie de 10 à 50 nanomètres (nm). Mais cela n’expliquait pas l’état mixte…
Théorie de Landau-Ginzburg
Vers 1950 en URSS, Lev Landau et Vitaly L. Ginzburg appliquent la théorie thermodynamique des transitions de phase, élaborée par Landau en 1937. Les résultats obtenus retrouvent et étendent les calculs de London. Deux longueurs caractérisent les supraconducteurs :
– la profondeur de pénétration λ (la même que celle de London) ;
– la longueur de cohérence ξ, ou distance minimale au sein d’un matériau sur laquelle la supraconductivité peut s’établir.
Les deux chercheurs montrent que les propriétés magnétiques des supraconducteurs dépendent de ces deux grandeurs :
– si alors le flux magnétique est totalement expulsé pour H < HC. La supraconductivité est de type I. Ainsi, pour le plomb, ξ = 100 nm et λ = 10 nm et, pour l’aluminium, ξ = 500 nm et λ = 50 nm ;
– si le système est thermodynamiquement porté à créer le maximum d’interfaces état supraconducteur/état normal, ce qui diminue son énergie. La supraconductivité est de type II.
Pour Ginzburg et Landau, la pénétration du champ magnétique dans le matériau se fait sous forme de « fluxons » (quasi-particules de flux magnétique) de valeur Φ0, valeur minimale (ou quantum) du flux magnétique Φ. La valeur de Φ0 est égale à h/q, h étant la constante de Planck, et q la charge électrique. Si q = 2e, où e est la charge de l’électron, on trouve Φ0 = 2 × 10–15 weber (Wb, unité de flux magnétique).
Chaque fluxon pénètre sous forme d’un « vortex ». Le cœur du vortex est à l’état normal, donc non supraconducteur, et il est entouré d’un courant de paires d’électrons comme on le verra plus loin, analogue à un tourbillon en hydrodynamique. En 1957, Alexei A. Abrikosov a montré que la structure d’énergie minimum d’un matériau supraconducteur est un réseau triangulaire de vortex, appelés depuis vortex d’Abrikosov, observé expérimentalement.
Théorie microscopique de la supraconductivité
Les théories précédentes, qui d’ailleurs se complètent, sont phénoménologiques. La compréhension de la supraconductivité est venue de l’application à ce phénomène macroscopique de la physique quantique, par essence microscopique.
La physique quantique distingue deux types de particules selon leur spin, leur moment magnétique intrinsèque lié à leur rotation. Les bosons sont de spin nul, par exemple l’atome d’hélium 4 (4He). Ils peuvent occuper à plusieurs le même état quantique. Les fermions sont des particules de spin demi-entier (spin ½), par exemple l’électron ou le proton. Deux fermions ne peuvent pas occuper le même état quantique (principe d’exclusion de Pauli). En 1937, le physicien russe Piotr Kapitza découvre que l’hélium 4 liquide devient superfluide, c’est à dire s’écoule sans viscosité, en dessous d’une température de 2,17 K. Dans les années 1940, Fritz London montre que cela est dû à la condensation[...]
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Écrit par
- Julien BOK : ancien directeur du laboratoire de physique de l'École normale supérieure
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