SUPRACONDUCTIVITÉ
L’effet Josephson
En 1962, un jeune physicien britannique de vingt-deux ans, Brian D. Josephson eut l’idée que des paires de Cooper pouvaient traverser une barrière isolante sans avoir à se briser. Cette prédiction a été vérifiée expérimentalement avec des jonctions entre deux matériaux supraconducteurs (niobium) séparés par un isolant, ici Nb-oxyde-Nb, structures appelées dès lors jonctions Josephson. Les paires de Cooper gardent leur cohérence de phase si l’isolant est assez mince. Josephson traite le dispositif comme deux objets quantiques faiblement couplés (interagissant faiblement l’un avec l’autre), d’énergie et de fonction d’onde respectives U1 et U2, Ψ1 et Ψ2. Lorsqu’on applique une différence de potentiel V entre les deux électrodes, la différence d’énergie est :
Les équations de Josephson ont trois conséquences notables :
– L’effet Josephson continu est vérifié lorsque V = 0 : un supercourant J de paires de Cooper est observé jusqu’à une densité de courant maximum J0 dépendant de la hauteur énergétique et de l’épaisseur da la barrière.
– L’effet Josephson alternatif est observé lorsqu’on applique une différence de potentiel continue V0 entre les deux électrodes, le courant de paires de Cooper devient oscillatoire et il y a émission d’une onde électromagnétique de fréquence f, donnée par la relation de Planck, E = ћ‧f. Dans ce cas, on obtient :
, où Φ0 est le quantum de flux, soit : f = 0,8 × 1011 Hz‧mV-1. Ainsi, pour une tension appliquée de 1 mV, on se trouve dans le domaine des micro-ondes, avec des longueurs d’onde de l’ordre du millimètre.
– L’effet de mélange est observé si en plus d’une tension appliquée continue V0, on envoie une micro-onde de fréquence f sur le dispositif NIS. Ce dernier émet une onde à une fréquence f0 = V0/Φ0, qui se mélange avec la fréquence extérieure f. On obtient un palier continu dans la caractéristique du courant J en fonction de V0 chaque fois que f0 = n‧f, avec n entier. Ces paliers sont appelés « marches de Shapiro » (Shapiro steps), du nom de l’expérimentateur les ayant observés pour la première fois.
Ces trois effets ont été mis en évidence expérimentalement par de nombreuses équipes et sont très bien établis. Ils ont conduit à de nombreuses applications décrites plus loin.
Certaines, importantes, sont fondées sur l’influence d’un champ magnétique sur l’effet Josephson. Car le champ magnétique a un effet important sur la supraconductivité ; il contrôle la phase de la fonction d’onde des paires de Cooper. Lorsqu’on mesure le courant au travers d’une jonction Josephson en faisant varier le champ magnétique, on observe que le courant de paires maximum Imax est contrôlé par le flux magnétique Φ. Il y a analogie parfaite avec la diffraction de la lumière par une fente. Dans ce cas, c’est le flux magnétique qui contrôle la phase de la fonction d’onde supraconductrice, alors que pour l’onde lumineuse, c’est la distance parcourue.
Cette analogie avec la diffraction et les interférences lumineuses permet de faire une expérience analogue à celle des fentes de Young avec une source lumineuse. Dans cette dernière expérience, on fait passer un faisceau lumineux issu de la même source au travers de deux petits trous percés dans une plaque opaque. Sur un écran placé en phase, on observe des franges d’interférence. Dans le contexte des jonctions Josephson, on réalise la même chose en utilisant un courant au lieu d’un faisceau lumineux. Un champ magnétique B est appliqué perpendiculairement au cercle. Le courant J passe par les deux jonctions Josephson, le déphasage dépend du flux magnétique Φ = B‧S, (où S est la surface du cercle), dans la boucle. En faisant varier le flux magnétique, on varie ce déphasage et on obtient des interférences.
Ce dispositif a été expérimenté par[...]
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Écrit par
- Julien BOK : ancien directeur du laboratoire de physique de l'École normale supérieure
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