SUPRANATIONALITÉ
L'institution de la supranationalité en Europe
Victor Hugo reprend le projet en termes lyriques, appelant à la constitution des États-Unis d'Europe lors du Congrès de la paix (1849). Le 11 mars 1882, à la Sorbonne, Ernest Renan promet à la nation un avenir supranational : « Les nations ne sont pas quelque chose d'éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera. » Le père de l'indépendance de la nation indienne, Jawaharlal Nehru, ne dit pas autre chose lorsqu'il annonce la naissance de régions supranationales et la condamnation du « petit État national », sinon comme espace culturel, du moins comme unité politique indépendante (La Découverte de l'Inde, 1946).
La seconde moitié du xxe siècle voit la réalisation du projet européen. Le 9 mai 1950, le ministre français des Affaires étrangères Robert Schuman appelle l'Allemagne et la France à gérer conjointement les instruments de leur destruction potentielle. Le traité instaurant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (C.E.C.A.), signé à Paris le 18 avril 1951, place la production sous le contrôle d'une haute autorité supranationale. La commission de la Communauté économique européenne (C.E.E.) créée par le traité signé à Rome le 25 mars 1957 représente l'intérêt communautaire et détient seule le pouvoir de proposition.
La question de la supranationalité se joue également sur les modalités de vote des États membres. Tant que les décisions se prennent au consensus ou à l'unanimité, les États peuvent avoir l'illusion d'être seuls maîtres de leur destin, participant à une aventure commune pour autant qu'elle coïncide avec leur ambition nationale. C'est tout l'enjeu de la crise européenne de 1965, quand le général de Gaulle refuse que la France siège à Bruxelles pour protester contre un projet de renforcement des pouvoirs européens. Elle se clôt par le « compromis de Luxembourg » qui prévoit la poursuite des discussions jusqu'à un accord satisfaisant pour tous lorsque sont en jeu des intérêts nationaux vitaux. Vingt années sont nécessaires pour rapprocher à nouveau les Européens.
À partir de 1985, les traités successifs (Acte unique, Maastricht, Amsterdam, Nice et traité constitutionnel) étendent les domaines dans lesquels les États membres décident à la majorité qualifiée (majorité pondérée par la taille des États). La supranationalité se manifeste enfin dans l'existence d'un droit communautaire distinct des droits nationaux et s'imposant à eux en cas de conflit. Il faut attendre plus de trente ans pour que les plus hautes juridictions françaises affirment la primauté du droit communautaire sur le droit national, la Cour de cassation en 1975 et le Conseil d'État en 1989. La Cour de justice de l'Union européenne, saisie par la Commission, peut décider des mesures à prendre par un État membre pour se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu des traités. En l'absence d'exécution de l'arrêt de la Cour, l'État peut être condamné à une amende ou à une astreinte.
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Écrit par
- Jacques TÉNIER : conseiller maître à la Cour des comptes, professeur associé à l'Institut d'études politiques de Rennes
Classification
Autres références
-
EUROPÉEN DROIT
- Écrit par Berthold GOLDMAN et Louis VOGEL
- 4 264 mots
- 2 médias
...celle de la Communauté européenne (C.E.) et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom), à Rome, en 1958, à l'élaboration d'un véritable droit européen, à condition, ici encore, d'accepter cette dénomination pour un système juridique, en partie seulement d'origine supranationale, et qui...