Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SUPRÉMATISME

Applications d'une théorie

Adhérant sincèrement à la nouvelle réalité sociale, Malevitch essaie à plusieurs reprises d'adapter la résonance philosophique de son système aux exigences matérialistes d'un ordre politique hostile à tout idéalisme. Répondant aux postulats matérialistes et économiques de la NEP de Lénine, Malevitch tente d'expliquer son Carré noir en tant que forme d'« économie maximale », sans pour autant réussir à convaincre ses adversaires politiques et artistiques. Les accusations de « négativisme idéaliste » s'abattent sur lui en 1924 lors de l'exposition de « Toutes Tendances » (Petrograd). En voulant s'inscrire une ultime fois dans le camp « positif » de la société, il déclare en 1924 avoir abandonné la peinture pour se tourner vers l'architecture. De nombreux projets d'« architektones » et de « planites » suprématistes exprimeront la volonté de vivre son époque. Malheureusement, ses conceptions utopiques et purement esthétiques subiront de nouveau l'échec de l'épreuve pratique. L'architecture russe des années vingt refuse les utopies urbanistes de Malevitch pour explorer les audaces du constructivisme. Seul son élève El Lissitzky saura dépasser le suprématisme et, en l'abandonnant, réalisera des propositions théoriques pour une nouvelle pensée architecturale.

Malevitch fut le premier peintre à franchir le pas de la peinture non objective. Sa démarche, réclamant la peinture pure (Du cubisme et du futurisme au suprématisme), la création d'une nouvelle réalité, surgie du néant – le « rien délivré », dira-t-il –, s'inscrit loin de la symbolique philosophique de l'abstraction de Kandinsky, du musicalisme de Kupka et de l'orphisme de la lumière (Delaunay, Larionov). En libérant de l'emprise représentative les concepts de base de la nouvelle peinture – la couleur et la surface-plan (ploskost') –, Malevitch introduit dans l'art la conception de la réalité autonome, d'un réalisme propre, libre de toute référence extra-picturale. Loin de la théorie esthétique « l'art pour l'art », la conception suprématiste de Malevitch élève la création non objective au niveau de la connaissance autonome, irremplaçable. À partir de ces éléments de manipulation, les constructivistes vont orienter l'art pictural vers la connaissance du monde extérieur, tandis que chez Malevitch la peinture se préoccupe de la seule profondeur spirituelle.

— Andréi NAKOV

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Médias

Tableaux de Kasimir Malévitch - crédits : Stedelijk Museum, Amsterdam, Pays-Bas

Tableaux de Kasimir Malévitch

<it>Composition suprématiste</it>, K. Malévitch - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Composition suprématiste, K. Malévitch

Architectonique picturale, L. Popova - crédits :  Bridgeman Images

Architectonique picturale, L. Popova

Autres références

  • ABSTRAIT ART

    • Écrit par
    • 6 716 mots
    • 2 médias
    ...mouvement qui fera date, il affirme : « Je me suis transfiguré dans le zéro des formes et je suis allé au-delà du zéro vers la création, c'est-à-dire vers le suprématisme, vers le nouveau réalisme pictural, vers la création non figurative. Le suprématisme est le début d'une nouvelle culture : le sauvage est...
  • CHAGALL, LISSITZKY, MALÉVITCH. L'AVANT-GARDE RUSSE À VITEBSK 1918-1922 (exposition)

    • Écrit par
    • 1 210 mots
    • 1 média
    ...Ses esquisses de figures humaines opèrent un croisement entre expressivité du corps (Chagall) et dynamisme de la forme (Malévitch). La séquence de ses Études suprématistes (1920) anime d’un mouvement quasi cinématographique les formes suprématistes qui traversent les quinze aquarelles, une impulsion...
  • CONSTRUCTIVISME

    • Écrit par
    • 3 373 mots
    • 2 médias
    ...novembre, le critique Pounine, ardent défenseur de Tatline, parle sur le thème « Sanctuaire ou Fabrique ? ». Tatline et Rodtchenko mènent la lutte contre le suprématisme de Malevitch. Dans ses Slogans pour le constructivisme, Alexéi Gan proclame une « guerre inconditionnelle à l'art ». Tatline prône la limitation...
  • COSMOS (exposition)

    • Écrit par
    • 1 059 mots

    En France, certains conservateurs de musée n'aiment guère les expositions thématiques. Elles ne seraient pour eux qu'un fatras arbitraire, elles feraient fi de l'histoire et du document, bref elles ne seraient pas sérieuses ; elles ne feraient pas avancer l'histoire de l'art, comme les expositions...

  • Afficher les 16 références