SUR LA PEINTURE (G. Deleuze) Fiche de lecture

Dérogeant aux volontés de Gilles Deleuze, David Lapoujade, grand ami du philosophe, a pu s’engager dans la publication de ses cours. Ce volume, Sur la peinture. Cours mars-juin 1981, transcrit les huit séances de cours de 1981 consacrées à la peinture (Minuit, 2023). David Lapoujade a su conserver le style oral inimitable de Deleuze. Le lecteur a également accès à l’appareil critique qui sous-tend le contenu de son cours. On suit donc à la fois une pensée qui chemine dans une transcription écrite qui respecte la singularité de la transmission, et un appareil critique qui échappait à son public.

La pensée en mouvement

Ce cours fut donné dans les préfabriqués de Paris VIII, à Saint-Denis, après la destruction par les bulldozers des bâtiments de l’université expérimentale de Vincennes, où Deleuze enseignait depuis 1970. L’ami de la famille, Pierre Chevalier, se souvient du soin apporté chaque semaine à sa préparation. Il n’en donne pas moins l’impression d’une pensée en train de se parler, pure improvisation et élaboration mentale en harmonie avec son public, auquel Deleuze demande régulièrement : « Qu’est-ce que ça veut dire ? » 

Avec ce cours, Deleuze poursuit aussi une relation amicale et de travail déjà ancienne avec le peintre Gérard Fromanger. Au cours de leurs rencontres dans son atelier, Deleuze avait questionné l’artiste sur ses procédés, son dispositif de travail. S’interrogeant sur la manière dont Fromanger colorise une toile blanche au départ, il s’entend répondre que la toile est noire. « Ah ! formidable ! Elle est noire, elle est noire de quoi ? » Et le peintre de répondre qu’elle est noire de tout ce que les autres peintres ont fait avant lui, et Deleuze d’en déduire qu’il ne s’agit donc pas de noircir la toile mais de la blanchir.