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SUR LA TÉLÉVISION, Pierre Bourdieu Fiche de lecture

Abordé dès les années 1960, le thème des médias relève, parmi les multiples champs de recherches couverts par Pierre Bourdieu, d'un intérêt ancien et récurrent. Mais c'est surtout à partir de 1990 que celui-ci lui consacre de plus amples développements, tant au travers des travaux qu'il mène avec son équipe, rassemblée autour de sa revue Actes de la recherche en sciences sociales, que dans ses enseignements. En 1996, le sociologue donne au Collège de France une série de cours en partie retransmis sur le petit écran et portant sur la télévision, le journalisme, et l'incidence de leur fonctionnement sur l'autonomie des productions scientifiques et artistiques. Dans un style volontairement synthétique, le présent ouvrage est la transcription de l’enregistrement intégral de deux émissions réalisées par la chaîne Paris Première.

La censure ou la dimension cachée de la télévision

Texte court, Sur la télévision s'organise en deux chapitres, précédés d'un avant-propos qui précise les intentions critiques et pédagogiques d'une « intervention » dont l'exigence démonstrative impose de rompre avec les techniques classiques d'esthétisation de l'exposé.

Intitulé « Le plateau et ses coulisses », le premier chapitre démonte les différents mécanismes de la censure invisible qu'entraîne l'absence de maîtrise des instruments de production ou plus précisément, le fait que les sujets, les conditions générales de communication et les temps de parole sont imposés. La préférence délibérée pour les sujets omnibus et leur traitement sous l'angle du sensationnel, la propension à leur scénarisation et à leur dramatisation sont, entre autres, les facettes d'une pratique qui procède par sélection et construction de l'information. La « télévision qui prétend être un instrument d'enregistrement, devient instrument de création de la réalité » et donne existence aux seuls individus et événements susceptibles de susciter l'intérêt du journaliste.

Le conformisme qui en résulte est relayé par une seconde forme de censure qui explique l'homogénéisation croissante des productions journalistiques. La consultation de sources communes et la course à l'audience instaurent un système de pressions croisées entre des journalistes dont le métier repose en grande partie sur des relations d'interconnaissance et la lecture des papiers des confrères. Aussi le produit final livré au téléspectateur tient-il moins aux qualités intrinsèques de l'événement qu'à une « circulation circulaire de l'information » que ces jeux de miroirs engendrent entre des producteurs en situation de concurrence et à la recherche du scoop. Les relations de connivence qu'entretient à l'évidence le petit monde clos des invités des plateaux et la gestion de la prise de parole par les présentateurs sont des illustrations de la très faible autonomie de la télévision et des effets de fermeture qu'elle induit.

Dans le second chapitre, l'auteur applique le concept de « champ » au milieu journalistique, structuré par des rapports de forces et de luttes entre des acteurs sociaux dont les productions écrites dépendent de leur position au sein de leur organe de presse et de la situation de celui-ci dans l'espace des médias. Pierre Bourdieu constate que la télévision, comme média dominant, tend à imposer ses propres pratiques aux autres médias sous l'impulsion de la logique commerciale et financière. La possession des moyens de production et de transmission des informations à grande échelle autorise aussi ce média à fixer les conditions d'accès à l'espace public et les modalités de la notoriété et de la légitimité des productions de la presse.

L'influence de la télévision ne s'opère pas seulement sur le champ journalistique[...]

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Écrit par

  • : docteur en sociologie, D.E.A. de philosophie, maître de conférences à l'université de Paris V-Sorbonne

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