SURMOI
De l'appareil psychique à la structure du sujet
Dans les débuts de sa découverte, Freud avait tenté d'établir une clinique psychanalytique selon un point de vue génétique ; il supposait un découpage temporel de la construction de l'appareil psychique correspondant à des traductions successives. Les affections psychiques se diversifiaient selon l'étape du développement où s'était produit un défaut de transcription ou de traduction.
Dès l'époque de La Naissance de la psychanalyse, dans ses manuscrits et dans la lettre 52 de sa correspondance avec son ami Wilhem Fliess (comme dans le schéma de la figure), ainsi qu'au chapitre vii de son ouvrage majeur Die Traumdeutung, où l'on apprend à lire « la signifiance des rêves », Freud traçait des tableaux et des schémas. Très tôt, en effet, il se posait la question de la fermeture de l'appareil psychique, alors qu'il postulait que celui-ci s'élabore par des traductions et des transcriptions successives. Personne n'avait remarqué jusqu'ici de quelle manière Lacan proposa de répondre à cette question, dès l'époque même de la rédaction de sa leçon de séminaire dite « De la lettre volée » (1956). Il recourt pour cela à des transformations topologiques qu'il explicite définitivement dans l'introduction ajoutée à cet « Écrit » (publié en 1957). Cela conduit à donner leur fonction aux schémas R et L obtenus, à partir des schémas de Freud, par ces transformations topologiques régulières. Il est intéressant, quand on veut traiter du surmoi, de situer sur ces schémas l'Idéal du moi (I) et l'image narcissique (i) entre le dépliage historique que Freud propose et le pliage (deuxième transformation topologique ou quotient de graphes) de structure que nous devons à Lacan. Cela devient possible si l'on trace deux schémas qui serviront d'intermédiaires entre ceux de Freud et ceux de Lacan. Il s'agit, d'une part, du graphe des lignes (première transformation topologique ou dualité simple de graphes) que l'on obtient à partir du schéma de Freud (cette dualité simple consiste à noter les arêtes d'un graphe par des points sommets d'un autre graphe et de joindre ces points par des arêtes qui correspondent de ce fait aux sommets du graphe de départ), d'autre part, du schéma qui esquisse le quotient de ce graphe des lignes, en un pliage préparatoire à l'identification de deux arêtes (nous l'appellerons le schéma F, ).
De ce graphe des lignes du schéma de Freud, on passe aux deux figures suivantes, dont l'une est obtenue à partir de l'autre par pliage ou dépliage selon le sens suivi par la lecture.
De là, on se trouve conduit au schéma F.
L'ensemble de ces transformations montre que le pliage consiste à nouer perception et conscience, alors que la conjonction séparante de ces deux instances traverse le circuit de l'inconscient (Ics). Ce qu'indique le rapprochement des schémas L et R de Jacques Lacan.
La solution qu'apporte Lacan à la question de la fermeture de la structure du sujet consiste donc à reconnaître un problème topologique dans cette difficulté du freudisme. La construction du continu, qui fait l'objet de la topologie (et qui précise la distinction continu-discontinu), revient à conjoindre deux choses qui restent radicalement disjointes. Il n'y a pas de meilleure introduction à cette notion que les paradoxes de Zénon. Le continu contient une structure discrète et s'en distingue – ajoutons qu'il s'en distingue de manière certaine. Cela relève de la topologie générale. En revanche, les graphes de lignes et la souplesse des graphes avec leur dualité et leurs quotients sont des problèmes très élémentaires de topologie des variétés (objets souples de la topologie). L'identification et la séparation des instances se poursuivent, dans les chapitres suivants[...]
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Écrit par
- Jean-Michel VAPPEREAU : maître ès sciences mathématiques
Classification
Médias
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