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SURMOI

De l'identification aux trois instances

Mais revenons au texte de 1914. Après avoir réaffirmé la distinction entre idéalisation et sublimation, Freud traite sans le nommer du surmoi sous l'aspect d'une surveillance du moi et par comparaison avec l'Idéal. Pour illustrer la symptomatologie de ce surmoi, qui ici n'est encore que supposé, il choisit de décrire, au-delà de la conscience morale, le délire d'observation. Il évoque cette voix qui parle au sujet à la troisième personne, ce qui nous renvoie à la structure du mot d'esprit et au statut de la tierce personne telle que Freud l'a brossé dans son ouvrage majeur. La formation de cette instance est liée aux parents par l'intermédiaire de leur voix, puis aux autres – aux éducateurs, aux professeurs et à la foule innombrable, jusqu'à l'opinion publique. En 1921, l'Idéal du moi est mis en fonction dans la théorie de l'identification. Dans Psychologie des foules et analyse du moi, l'identification apparaît comme étant pour le sujet la manière de résoudre ses échecs amoureux. Au dire de Freud, la notion date de son essai sur le deuil et la mélancolie (1917). Avec l'identification, il généralise ainsi sa définition de la mélancolie. L' objet précédemment investi puis perdu est érigé de nouveau dans le moi. Pour bien faire comprendre ce mécanisme, Freud mentionne l'identification première, celle du garçon au père pris comme idéal. Puis il commente la seconde composante de l'œdipe, qui prend l'aspect de la relation d'objet avec la mère, lorsque celle-ci est investie par l'enfant. La question du rapport d'antériorité entre les deux composantes de l'œdipe revient à se demander si l'identification à l'idéal qu'est le père se produit avant ou après l'investissement de l'objet qu'est la mère. Mais ce problème s'est posé après Freud. Si l'on en reste au texte de celui-ci selon lequel la première identification n'est pas préalable mais postérieure à la relation d'objet, on ne tranche pas la question de savoir si l'objet dont la perte provoque l'identification à l'idéal est bien celui de la fameuse relation d'objet. Car l'objet est ici la mère et l'identification à l'idéal a pour objet le père. À moins de confondre les deux parents, quitte à les désigner de deux termes différents par ailleurs, solution des plus originales et sans doute pas très éloignée de la vérité, il semble que la première identification au père pris comme idéal, contrairement à la formule générale de l'identification freudienne, soit sans objet préalable. Dans son essai de 1923, Le Moi et le ça, Freud ne dira pas autre chose. Le problème est de savoir d'où lui vient son objet paternel ou parental. Sans présenter ici l'ensemble de la théorie de l'identification, il nous suffit de remarquer qu'en 1921 il n'est plus question du moi idéal et pas encore du surmoi.

Dans Le Moi et le ça, au chapitre iii, on constate à deux reprises que telle est bien la position de Freud. Il commence en parlant de « l'identification au père de la préhistoire personnelle », mais, dans une note qui va à ravir, il souligne : « Peut-être serait-il plus prudent de dire aux parents... ». Puis le texte continue ainsi : « Celle-ci [cette identification] tout d'abord semble n'être pas le résultat ou l'issue d'un investissement d'objet. » Soulignons ici l'emploi de ce « tout d'abord », qui relève d'une logique temporelle originale et encore très peu aperçue. Nous appellerons alors cette identification « identification première au père pris comme idéal ». À l'autre extrémité du développement temporel de la structure (en effet, un peu plus loin dans son texte, Freud, parlant de la disparition de l'œdipe chez le garçon et chez la fille, ajoute[...]

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Graphe de la Lettre 52 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Graphe de la Lettre 52

Graphe des lignes du schéma de Freud - crédits : Encyclopædia Universalis France

Graphe des lignes du schéma de Freud

Quotient du graphe des lignes du schéma de Freud - crédits : Encyclopædia Universalis France

Quotient du graphe des lignes du schéma de Freud

Autres références

  • AGRESSIVITÉ

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    ...« Les conflits intérieurs, nous dit-il, deviendraient ainsi un équivalent des luttes extérieures d'antan. » Il est clair qu'il vise en l'occurrence le surmoi. La notation serait banale si elle se limitait à caractériser une telle instance comme une agression intériorisée. Mais on vient de voir que, le...
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    ...sentiment de culpabilité, dont l'ambivalence alors ne peut qu'accroître l'hostilité vis-à-vis de l'être aimé, succède le temps décisif de la formation du surmoi et de l'avènement de la conscience morale : la peur de perdre l'amour des parents et la simple crainte d'une punition extérieure font place à une...
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