Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SURRÉALISME (exposition)

Article modifié le

Un théâtre de l’imaginaire

Le surréalisme appelle le rêve et son interprétation. D’où la méthode de la paranoïa critique élaborée par Salvador Dalí, dont Le Rêve (1931, The Cleveland Museum of Art) est la parfaite expression. Un buste de femme en marbre, les yeux clos (le motif est récurrent), la chevelure au vent, se tient dans un espace inspiré par les paysages urbains de Giorgio De Chirico. Tout au long du parcours de cette exposition d’une grande densité, on compte de belles séquences, et ce ne sont pas forcément les plus spectaculaires qui font le plus sens. Dans la partie « Parapluie et machine à coudre » – en référence aux Chants de Maldoror de Lautréamont, qui a tant compté pour la vulgate surréaliste –, on trouve par exemple un parapluie en éponge naturelle (1937, coll. part.) de Wolfgang Paalen, ainsi qu’une antique machine à coudre peinte par Konrad Klapheck (1957), et l’on saisit combien l’inquiétante étrangeté du « pop », né lui aussi du contact avec le quotidien, se marie admirablement au bizarre surréaliste. On croise bien sûr quelques « monstres politiques », comme celui de la Prémonition de la guerre civile de Dalí encore (1936, Philadelphia Museum of art), ou bien l’emblématique Ange du foyer (Le Triomphe du surréalisme) de Max Ernst (1937, coll. part.).

Le surréalisme se fait biomorphique avec le « Royaume des Mères » et remonte aux origines de la vie, tout à la fois mythiques et cellulaires. Ici, on trouve les œuvres d’Yves Tanguy, Jane Graverol ou Barnett Newman. On traverse de sombres forêts, on regarde couler les larmes d’Éros et l’on se laisse happer par la nuit, effrayante et pleine de promesses : figures spectrales de Leonor Fini, maison crépusculaire de René Magritte dans L’Empire des lumières (1954, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Bruxelles).

L’exposition s’achève sur le cosmos et l’apparition de la vie. Né de la Première Guerre mondiale, le surréalisme ne croit pas en l’idée de progrès, ce qui le différencie de toutes les autres avant-gardes. Les œuvres de cette dernière section sont autant de big bangs telluriques, dont les secousses auront été ressenties dans tout le reste de l’exposition.

Didier Ottinger souligne justement que « la diffusion internationale du surréalisme s’opère principalement dans un moment historique qui est celui de l’essor des idéologies autoritaires, à partir du milieu des années 1930 » (artpress, no 524, sept. 2024). Notre époque n’est décidément pas si éloignée de celle qui a vu naître l’esprit surréaliste. Guerres, épidémies, retournement des valeurs… jusqu’à la mode actuelle pour une peinture qui ne dit pas vraiment son nom : une grande partie est assurément d’obédience surréaliste, qu’on le veuille ou non.

— Richard LEYDIER

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification