SURRÉALISME Surréalisme et art
Le développement de l'art surréaliste
Les deux impulsions fondamentales sont fournies au mouvement surréaliste par Masson et Ernst. Le premier, qui débute presque dans la peinture (il n'a jamais participé au dadaïsme), croit pouvoir fournir d'emblée un équivalent de l'enregistrement écrit de l'« automatisme psychique pur » par des dessins automatiques et des « peintures au sable » exécutées rapidement. Malgré leur liberté expressionniste et leur caractère onirique, ces expériences tournent court et ouvrent bientôt la porte à une mégalomanie tantôt expressionniste, tantôt calligraphique. La réapparition de Masson dans le champ surréaliste vers 1936 sera le fait de circonstances extérieures, notamment politiques.
Au contraire, Max Ernst comprend qu'il s'agit de fournir un équivalent par analogie, et non par copie, des moyens d'investigation alors à l'honneur (écriture automatique, récits de rêve, etc.). Dès sa période dadaïste, il avait demandé au collagela fabrication de personnages ou de situations dotés d'une grande charge d'humour ou de provocation érotique. Adhérant au surréalisme, il transpose ce procédé dans l'ordre métaphysique, puis tente de l'utiliser dans la peinture en poussant dans tous les cas le rapprochement d'éléments d'origine disparate jusqu'à l'extrême de leurs possibilités hallucinatoires. Ses « romans-collages » (La Femme 100 têtes, Une semaine de bonté, etc.) bouleversent la notion même de « livre illustré » et demeurent des chefs-d'œuvre inégalés, malgré pillards et plagiaires.
À ce point de naissance de « l'art surréaliste », on ne saurait trop insister sur l'influence de Chirico (les « natures mortes » introduites dans certaines de ses toiles jouant d'avance un rôle de véritables collages) et sur le relais proprement poétique qu'en prennent les recherches de Max Ernst. Quand ce dernier justifie lui-même son invention du collage (les cubistes, rappelons-le, n'avaient pratiqué que le papier collé, à des fins de pur renouvellement esthétique) en citant la fameuse comparaison de Lautréamont : « beau comme la rencontre fortuite, sur une table de dissection, d'une machine à coudre et d'un parapluie », il entend bien rendre hommage à une puissance émotionnelle qui, par-delà son « analyse » freudienne, demeure intacte aux yeux des poètes. Toujours à la recherche d'autres moyens pour « forcer l'inspiration », Ernst imaginera ensuite le « frottage » et ne dissimulera pas ce que celui-ci doit à certaines prémonitions de Piero di Cosimo et de Vinci.
Le cas exemplaire de Miró
Le bilan de ces origines de la peinture surréaliste se termine naturellement par l'apparition de Joan Miró. Le surréalisme trouve chez lui un point de départ étymologique. Peintre naïf, il a commencé par interpréter le décor natif de sa campagne catalane, simplement en accentuant l'aspect féerique ou inattendu de chaque détail... Mais, une fois lancé dans cette voie, il ne lui a fallu que quelques années pour « décoller » de la transcription du réel, même interprété, et se fabriquer à partir d'elle un répertoire inépuisable de signes, qu'il multiplie à certaines périodes ou qu'au contraire il laisse errer sur des surfaces vides à d'autres. Dans cette œuvre, close sur elle-même comme le monde de l'enfance, peu d'interventions extérieures : l'idée des « tableaux-poèmes » à inscriptions, celle des objets, qui conduiront plus tard Miró à la céramique et à la sculpture proprement dite et, pendant quelques années (1935-1939), une tentation de retour au réalisme à laquelle l'actualité (la guerre d'Espagne) prête une résonance tragique.
Une seconde génération : de la peinture au cinéma et à l'« objet[...]
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Écrit par
- Gérard LEGRAND : écrivain, philosophe, critique d'art et de cinéma
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Médias
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