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SURVIVANCE, arts

La notion de « survivance » est centrale pour l'histoire de l'art depuis que l'historien de l'art allemandAby Warburg (1866-1929) l'a placée au cœur de son dispositif intellectuel et léguée comme une question essentielle. Nulle autre œuvre que la sienne, après celle de son compatriote Johann Joachim Winckelmann (1717-1768), n'aura d'ailleurs marqué de manière aussi décisive la discipline, en reprenant le problème de la transmission de l'héritage de l'Antiquité païenne dans les cultures des temps modernes. Parce qu'elle a fait éclater la conception historique de l'Antiquité élaborée à l'âge classique comme une source éternelle de raison et de beauté, en repérant à la Renaissance la trace d'une Antiquité conflictuelle, déchirée entre extase dionysiaque et mesure apollinienne, l'œuvre de Warburg aura révélé l'étonnante permanence de certaines formes artistiques, voyageant d'une culture à une autre, hors de toute temporalité.

En 1893, dans son étude fondamentale sur « La Naissance de Vénus et Le Printemps de Botticelli » (Sandro Botticellis « Geburt der Venus » und « Frühling », reprise en français in Essais florentins, 1990), Warburg montre l'importance de la représentation de mouvements éphémères dans ce qu'il nomme les « détails animés » : la circulation du vent dans les chevelures et les vêtements, le frémissement de l'eau, le déplacement des corps, les mimiques des visages. Il précise en quoi ces motifs révèlent une observation fine des œuvres de l'Antiquité, et, sous-tendant cette connaissance intime, la volonté de donner l'illusion d'une vie plus intense. Ainsi les « survivances » que Warburg s'attache à interroger tout au long de sa vie échappent-elles aux questions de l'imitation, de la citation ou de la prégnance de la norme esthétique classique. Si la notion de survivance, telle que l'historien de l'art la définit alors, doit beaucoup à l'ethnologie du Britannique Edward B. Tylor (1832-1917) ou à la philologie de l'Allemand Hermann Usener (1834-1905), Warburg lui donnera une extension remarquable, au point d'en faire la problématique centrale de son anthropologie de l'art. C'est la survivance de l'antique (Nachleben der Antike) qui oriente les recherches du cercle entourant Warburg dans les années 1920-1930 à Hambourg, puis, après sa mort, à Londres, où l'on retrouve des chercheurs tels qu'Erwin Panofsky (1892-1968) et Ernst Cassirer (1874-1945). C'est la même survivance qui sous-tend l'organisation de la fameuse bibliothèque que Warburg constitue patiemment comme une « collection de problèmes », ou encore son Atlas Mnemosyne (1929), constellation de planches synoptiques révélant la mémoire des motifs, entrecroisant les espaces culturels et les époques ayant accueilli ces formes qui venaient de l'Antiquité. Ainsi l'antique nymphe qui, peinte en 1486-1490 par Domenico Ghirlandaio, réapparaît chez lui sous les traits de Fortuna, survit-elle dans la golfeuse posant pour une publicité des paquebots de la ligne Hambourg-Amérique dans les années 1920.

Indissociable de ce concept de survivance est alors celui de « formule pathétique » (Pathosformel). Dans une étude publiée en 1906, qui portait sur « Albrecht Dürer et l'Antiquité païenne » (reprise en français in Essais florentins, 1990), Warburg revint sur la question de l'expression de la souffrance, essentielle dans l'historiographie depuis le Laocoon (1766) de Gotthold Ephraïm Lessing. Une longue chaîne réunit un dessin de Dürer, représentant la mort d'Orphée, une gravure italienne de l'entourage de Mantegna, et leur archétype, que Warburg retrouve dans deux vases grecs. Ce qui relie ces œuvres tient moins au thème qu'au souci d'accentuer[...]

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Écrit par

  • : ancien pensionnaire à l'Institut national d'histoire de l'art, chargé de cours à l'École du Louvre
  • : directrice du musée des Beaux-Arts de Lyon

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