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SŪTRA DU DIAMANT

En mars 1907, Aurel Stein, archéologue d’origine hongroise, chargé d’une expédition en Asie centrale pour le compte de l’empire britannique, arrive aux grottes du complexe de Mogao, situées à une trentaine de kilomètres de l’oasis de Dunhuang. Il y reste environ trois mois et partage son temps entre le site des grottes et les fouilles des vestiges des fortifications bâties sur la frontière de l’ancienne commanderie. Le site de Mogao, situé aux confins de la Chine occidentale, a été aménagé entre le ive et le xive siècle. À peu près abandonné par la population locale, il a été repéré par plusieurs explorateurs occidentaux et va révéler des trésors picturaux, ainsi qu’une abondance de matériaux écrits, non seulement en chinois, mais dans toutes sortes de langues et écritures de l’Asie centrale ‒ tibétain, sanskrit, turc, sogdien et même hébreu. Cette diversité reflète le multiculturalisme d’un lieu où se croisaient marchands et religieux.

Un trésor en papier

Quelques années plus tôt, un certain Wang Yuanlu, qui gardait les grottes en n’hésitant pas à repeindre les statues à sa manière, avait par chance découvert une niche fermée où étaient entreposé depuis le début du xe siècle un amoncellement de manuscrits sur papier et de peintures sur soie et sur chanvre. En 1907, Stein est le premier à deviner l’importance des milliers de livres et pièces d’archives datant de plus de mille ans. Ni les visiteurs occasionnels du site ni le gardien des grottes, qui avait offert plusieurs bannières bouddhiques et quelques manuscrits à des mandarins provinciaux, ne s’étaient rendu compte de l’importance de ce que la cache recelait. Stein n’est pas autorisé à pénétrer dans la fameuse niche aux manuscrits, l’une des quelque cinq cents grottes creusées dans la falaise. Aidé de son secrétaire, Jiang Xiaowan, il rassemble tout ce qu’il peut acheter au gardien des grottes. Mais le choix qu’ils opèrent n’est pas aussi judicieux que celui que fera Paul Pelliot l’année suivante, au sein même de la niche. Stein ne connaît pas le chinois et son secrétaire n’a pas les connaissances du sinologue français. Ce qui retient son attention, ce sont les pièces datées et les textes bouddhiques, sans doute comme un reflet de l’admiration qu’il porte au grand pèlerin et traducteur Xuanzang (602-664). Parmi les nombreux manuscrits qui passent entre leurs mains figurent quelques estampages et plusieurs dizaines d’images imprimées par le procédé xylographique. S’y trouvent également quelques textes imprimés par le même moyen, dont certains portent des dates, 877 et 882 pour deux fragments de calendriers, 947 et 949 pour deux images de dévotion offertes par le gouverneur de Dunhuang, conservées en plusieurs exemplaires. Mais la pièce maîtresse est encore plus ancienne. Il s’agit d’un exemplaire complet d’un rouleau comportant le texte du Sūtra du Diamant, gravé en 868. Ce qui fait remonter la diffusion de la xylographie, si ce n’est son invention, de plus d’un siècle.

<em>Sūtra du Diamant</em>, IX<sup>e</sup> s. - crédits : British Library/ Science Photo Library/ AKG-Images

Sūtra du Diamant, IXe s.

Aurel Stein est assez vite conscient d’avoir mis la main sur les plus anciens documents imprimés que l’on connaisse. Si l’on savait au Japon que les premiers textes imprimés remontaient à la deuxième moitié du viiie siècle, avec les nombreuses formules magiques conservées dans un million de petites pagodes, on admettait alors en Chine que l’imprimerie à l’aide de planches de bois gravées ne s’était répandue largement qu’à partir du xe siècle. Stein présente le rouleau du Sūtra du Diamant dans le rapport de sa seconde expédition dans le Turkestan chinois qu’il publie en 1912 sous le titre Ruins of Desert Cathay, avec une photographie, puis dans Serindia en 1921. Il donne pour ce document une date erronée, 860, puis 864, au lieu de 868. En 1910, Paul Pelliot, de retour de Dunhuang lui aussi, a l’occasion d’examiner une partie des[...]

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<em>Sūtra du Diamant</em>, IX<sup>e</sup> s. - crédits : British Library/ Science Photo Library/ AKG-Images

Sūtra du Diamant, IXe s.

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