SŪTRA DU DIAMANT
Un livre à réciter
Si ce sūtra a été imprimé, c’est d’abord parce qu’il était très répandu et faisait l’objet d’une dévotion particulière. C’est en effet l’un des sūtra les plus populaires dans la Chine des Tang, avec le Sūtra du Lotus. Il a été traduit du sanskrit en chinois à plusieurs reprises entre le ive et le viiie siècle, et les copies manuscrites retrouvées à Dunhuang se comptent par centaines, en majorité dans la traduction de Kumārajīva (vers 344-413). Le titre complet du sūtra est Vajracchedikāprajñāpāramitāsūtra ou Sūtra de la perfection de sagesse qui coupe comme le diamant. L’une des particularités de ce texte qui met en scène le Buddha et le vénérable Subhūti est de souligner l’importance de la récitation du sūtra lui-même pour obtenir des mérites. Pour faciliter sa mémorisation et sa compréhension, le texte a été divisé en 12 puis 32 sections et accompagné d’invocations à 8 divinités vajra (« foudre-diamant lumineux ») ainsi que de formules magiques. Si le découpage en sections n’affecte pas la version imprimée en 868, les invocations et les formules magiques y sont bien présentes. Le rouleau, qui est constitué de sept feuilles de papier, s’ouvre sur un frontispice d’un type plutôt iconique montrant une scène de prêche du Buddha, entouré de divinités, de deux porteurs de vajra et de deux lions. Le barbier Subhūti, identifié par un cartouche qui donne son nom, leur fait face, à l’écoute. Un autre cartouche précise que la scène se passe au jardin du prince Jeta. Ce frontispice fait de ce rouleau du Sūtra du Diamant non pas tant le plus ancien livre imprimé subsistant que le plus ancien livre imprimé illustré. Seul le petit rouleau imprimé découvert en 1966 dans un stūpa du Pulguk-sa en Corée peut prétendre au statut de livre puisque cet exemplaire du Sūtra de la dharani de la lumière pure atteint une longueur d’environ 7 mètres. Il s’agit d’un livre de petit format (6,5 cm de hauteur) dont les dates de gravure et de tirage ne sont pas connues, mais sont estimées correspondre au viiie siècle, et très probablement avant 751, date d’achèvement du stūpa dans lequel cet ouvrage a été enfermé.
Le Sūtra du Diamant a connu un autre sort. On ignore où les planches ont été gravées. En se fondant sur les autres imprimés dont il est sûr qu’ils ont été gravés à Dunhuang plus tard, et en raison du caractère très élaboré de l’image initiale, on a estimé que le lieu de gravure et d’impression pourrait être la province du Sichuan avec laquelle la région de Dunhuang, qui était devenue assez autonome par rapport au pouvoir central chinois, après avoir été occupée pendant près de soixante-dix ans par les Tibétains, entretenait des relations suivies. Surtout, cet écrit n’était pas destiné à être enfermé dans une statue ou un stūpa, dans l’attente de jours meilleurs ou simplement pour être conservé indéfiniment. Au contraire, la gravure et l’impression de ce texte étaient faites pour qu’il soit répandu largement. C’est une initiative privée émanant d’un particulier dont on ne sait rien. Le colophon qui conclut le texte indique seulement qu’un certain Wang Jie, dont les fonctions ne sont pas précisées, a fait respectueusement réaliser cette opération au bénéfice de ses parents pour une distribution générale, le 15e jour du 4e mois de la 9e année Xiantong (11 mai 868). Il est impossible de connaître la quantité de rouleaux tirés à partir des sept planches gravées. Les tirages pouvaient varier de quelques dizaines à plusieurs centaines. Mais, alors que la xylographie permettait des retirages nombreux et un véritable tirage à la demande, il est vraisemblable que, dans ce cas, tous les exemplaires ont été imprimés en une seule fois. Cependant, le donateur pouvait très bien faire corriger la date gravée sur la dernière planche pour préparer d’autres[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre DRÈGE : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
Classification
Média
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