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SOLIDOR SUZY (1900-1983)

Artiste de variétés et modèle de nombreux peintres célèbres, Suzy Solidor aura été, sa vie durant, un être d'exception dont le destin et la carrière demeurent sans comparaison dans la jeune histoire du music-hall.

Fille naturelle d'une ravaudeuse de filets de Saint-Servan (aujourd'hui un des quartiers de Saint-Malo) et d'un descendant du corsaire Surcouf, Suzanne Rocher (son vrai nom), née le 18 décembre 1900 à Saint-Servan, trouve à dix-huit ans son Pygmalion sous les traits de la célèbre antiquaire parisienne Yvonne de Brémond d'Ars. Celle-ci se charge de son éducation, et lui fait donner des cours de chant par la cantatrice Marguerite Carré. Dotée d'une plastique sculpturale, celle que l'on appellera « la Fille aux cheveux de lin » se fait remarquer par son élégance et ses extravagances. À Deauville, elle apparaît sur les fameuses « planches », vêtue de maillots de bains audacieux, imitant les pétales de roses, les algues ou le filet de pêche. Van Dongen la découvre : elle sera son modèle.

Bientôt, les peintres les plus célèbres se pressent autour de Suzy, qui a choisi pour pseudonyme le nom de la tour dominant l'embouchure de la Rance : Solidor. Picabia, Dufy, Kiesling, Friesz, Foujita, Domergue, Chapelain-Midy, Marie Laurencin, Dunand, Labisse et Cocteau – pour n'en citer que quelques-uns – exécutent le portrait de cette muse « arts déco », dont le visage, où se mêlent douceur et rudesse, les fascine. Paul Colin lui conseille de chanter. Suzy Solidor débute à Deauville, puis ouvre un magasin d'antiquités à Paris, quai Voltaire, à l'enseigne de La Grande Mademoiselle, et, dès 1933, un cabaret, rue Sainte-Anne, La Vie parisienne, qu'elle animera pendant vingt ans.

Elle se forge un répertoire réaliste où les vieilles chansons de marins, comme Les Filles de Saint-Malo, côtoient les poèmes de Verlaine, d'Henri Heine et de Jean Cocteau, sans oublier les chansons d'amour : Sous tes doigts, J'écrirai et, surtout, Escale, seront ses plus grands succès. Avec franchise, Solidor n'hésite pas à affirmer dans certaines de ses chansons, comme Ouvre, ou Tout comme un homme, ses préférences féminines et à revendiquer le droit à la différence. Paul Valéry le lui accorde bien volontiers, lui dédiant ce quatrain : Amour est ce qu'on veut ! / Qu'avez-vous à blâmer ? / J'aime comme il me plaît / Ce qu'il me plaît d'aimer...

D'une voix grave, « qui part du sexe », dit Cocteau, et dont Francis Carco évoque la saveur « iodée », Suzy Solidor captive l'auditoire choisi de son cabaret, où l'on voit souvent Joseph Kessel et Colette. Vêtue d'une robe-fourreau qui met en valeur sa silhouette, les bras le long du corps, légèrement appuyée à un piano (que tient le compositeur Léo Poli) sur lequel on a jeté un châle, entourée de ses portraits, Solidor laisse à sa seule voix le soin de faire naître images et émotions. Au music-hall – on la verra à l'Alhambra, à l'A.B.C. et au Casino de Paris –, son personnage hiératique ne fait pas la conquête du public populaire. L'univers feutré des cabarets demeure son écrin idéal : elle en aura deux autres, le Club de l'Opéra et, enfin, Chez Suzy Solidor.

Parallèlement, elle tente sa chance au théâtre (dans L'Opéra de quat'sous, au Théâtre de l'Étoile, en 1937, où elle est Jenny) et au cinéma ; elle doit son apparition la plus réussie à Jean de Limur, dans La Garçonne (1936), d'après Victor Margueritte, où elle incarne Anika, la chanteuse opiomane. Elle sera également la première interprète de la chanson à paraître dans une retransmission télévisée, que diffusa en 1935 le poste expérimental des P.T.T. En 1942, Suzy Solidor crée avec succès la version française de la chanson allemande Lili Marleen ; le comité[...]

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