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RICHTER SVIATOSLAV (1915-1997)

Sviatoslav Richter - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Sviatoslav Richter

« Es ist so » (« C'est ainsi ! »), disait Hegel à propos des montagnes. La définition peut s'appliquer au pianiste russe Sviatoslav Richter tant, chez lui, l'absence d'effets, d'intentions, de surcharges, le respect total des signes de la partition font que l'œuvre n'apparaît jamais dans une interprétation, mais dans une recréation, voire une transsubstantiation, une présence que l'on oserait presque qualifier d'eucharistique.

On conçoit donc que chaque concert de Richter ait été d'avance considéré comme un événement, un instant où quelque chose risquait de se passer. Pressentiment d'autant plus vif que Richter ne planifiait pas ses récitals, mais choisissait en dernière minute sinon toujours la date et le lieu, du moins le programme de ses apparitions. Le miracle attendu n'a pas toujours eu lieu ; en tout cas, un magnétophone, plus ou moins clandestin, était dans la salle, prêt à servir à la fois de témoin et de preuve. Car Richter, bien malgré lui, fut le plus enregistré – et le plus piraté – des pianistes. Il n'est pas de mois qui n'apporte, sous d'invraisemblables étiquettes, son lot de disques, de provenances disparates, et au son souvent si précaire qu'ils desservent l'artiste et frustrent l'auditeur. Heureusement, les grandes firmes veillent. À l'aube de ses quatre-vingts ans, Philips, par exemple, en une édition de vingt et un disques compacts, supervisée et agréée par le maître, avait rendu à Richter le plus monumental hommage qu'un pianiste ait obtenu de son vivant.

Une légende

Richter, une légende ? Certes, mais cette légende a aussi son histoire. Sviatoslav Teofilovitch Richter naît le 20 mars 1915 à Jitomir, en Ukraine. Son père, compositeur et organiste, est issu d'une famille de musiciens qui avaient émigré d'Allemagne (« citoyen soviétique de nationalité allemande », tel se définissait Richter, qui aimait, par ailleurs, à souligner la signification de son patronyme : le « juge »). Une élève tchèque de son père lui donne ses premières leçons de piano, mais il n'entreprend pas une carrière de concertiste. Sa première passion est l'opéra. Doué d'une incroyable facilité de déchiffrage, il est, à l'âge de quinze ans, répétiteur à l'Opéra d'Odessa ; trois ans plus tard, en 1933, il y devient chef d'orchestre remplaçant, tout en menant un travail de compositeur. Ce n'est qu'en 1952 qu'il dirigera pour la dernière fois : rare exemple d'un musicien quittant la baguette pour le clavier. En 1934, il donne son premier récital de piano, sans jamais avoir acquis les bases d'une technique sérieuse. Aussi, en 1937, à un âge où beaucoup entament une carrière internationale, entre-t-il au Conservatoire de Moscou, dans la classe d'enseignement supérieur de piano de Heinrich Neuhaus.

Là, auprès du plus grand des pédagogues, il devient, enfin, un pianiste. Bien vite, il remporte les plus hauts trophées : concours de l'Union des républiques en 1945, prix Staline en 1949. Mais la guerre continuée en guerre froide, la chape stalinienne vont pendant longtemps quasi l'assigner à résidence. Heureusement, l'Union soviétique compte alors de grands compositeurs et de grands interprètes. C'est ainsi qu'encore élève de Neuhaus, Richter devient l'ami de Prokofiev, dont il crée la Sixième Sonate (1940) et qui lui dédiera sa Neuvième (1947). Il est proche également de Chostakovitch. Enfin, ses voisins d'immeuble se nomment Rostropovitch et Oïstrakh ; il ne suivra toutefois ni la dissidence de l'un ni le propagandisme de l'autre.

Malgré cet enfermement, le nom de Richter commence à circuler en Occident. Quelques rares disques d'importation et le témoignage d'artistes de retour d'U.R.S.S. contribuent à forger un[...]

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Écrit par

  • : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure

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Média

Sviatoslav Richter - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

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