SYLLOGISME
La syllogistique
La théorie du syllogisme, ou syllogistique, se trouve presque entièrement constituée dans les écrits d'Aristote. On se sert néanmoins habituellement, pour l'exposer, de la systématisation entreprise par Boèce (ve-vie s.) et poursuivie jusqu'à Pierre d'Espagne (xiie s.). C'est à ce dernier, notamment, que l'on doit la dénomination des différents modes valides du syllogisme. Mais c'est seulement Leibniz qui, au xviie siècle, complétera la syllogistique aristotélicienne et démontrera la complétude du système ainsi constitué.
La syllogistique se distingue du moderne calcul des propositions (préparé dans l'Antiquité par la logique stoïcienne) en ce qu'elle s'appuie sur la composition interne des propositions, au lieu de les considérer comme un tout. Le véritable élément du syllogisme n'est donc pas la proposition, mais le terme. Le moteur du syllogisme réside dans le fait que l'un des termes, appelé moyen, apparaît successivement dans les deux prémisses et révèle un rapport nécessaire entre les deux termes extrêmes : le majeur, qui n'apparaît que dans la première des deux prémisses (ou majeure), et le mineur, qui n'apparaît que dans la deuxième (ou mineure). La conclusion pourra dès lors mettre directement en rapport le majeur et le mineur. Le syllogisme le plus simple sera donc de la forme : B est A, C est B, donc C est A, où l'on voit que A est le majeur, B le moyen et C le mineur.
Le trait de génie d'Aristote a été de diversifier ce schéma de raisonnement, rigoureux mais fruste, en tenant compte, d'une part, de la quantité des propositions (universelle ou particulière) ; d'autre part, de leur qualité (affirmative ou négative) ; enfin de la place du moyen terme dans les prémisses.
Aussi cette dernière distinction permettra-t-elle aux logiciens du Moyen Âge de distinguer d'abord a priori quatre figures du syllogisme, selon que le moyen terme est successivement sujet et prédicat (1re figure), deux fois prédicat (2e figure), deux fois sujet (3e figure) ou successivement prédicat et sujet (4e figure). En fait, Aristote n'a pas accordé de place à la quatrième figure (encore appelée galénique parce qu'elle fut introduite par Galien au iie s. apr. J. C.), sans doute parce qu'elle ne diffère de la première que par l'ordre, relativement arbitraire, des prémisses.
À l'intérieur des figures, la quantité et la qualité des propositions permettent de distinguer les modes. Si l'on appelle A la proposition affirmative universelle et I la proposition affirmative particulière, E la proposition négative universelle et O la proposition négative particulière, on aura, selon la terminologie médiévale, les modes concluants suivants : Barbara, Celarent, Darii, Ferio, mots conventionnels dont les trois voyelles AAA, EAE, AII, EIO indiquent l'ordre de consécution des propositions (1re figure) ; Cesare, Camestres, Festino, Baroco (2e figure) ; Darapti, Disamis, Datisi, Felapton, Bocardo, Ferison (3e figure).
On se rend compte aisément que ces quatorze syllogismes concluants, les seuls qu'Aristote ait retenus comme tels, ne représentent qu'une petite partie de toutes les combinaisons possibles, qui sont au nombre de deux cent cinquante-six. Pour être complet, on doit ajouter aux quatorze modes d'Aristote les cinq modes concluants de la quatrième figure. D'autre part, comme on peut inférer de toute proposition universelle la proposition particulière correspondante (procédé dit subalternation), Leibniz ajoutera cinq modes valides aux dix-neuf précédents (par exemple, Barbari dérivé de Barbara, et Celaront de Celarent), soit en tout vingt-quatre syllogismes concluants (six par figure).
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre AUBENQUE : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Autres références
-
ARISTOTE (env. 385-322 av. J.-C.)
- Écrit par Pierre AUBENQUE
- 23 786 mots
- 2 médias
...qu'être de thématiser. Mais les Topiques ont un autre intérêt. Ils font allusion à un procédé de raisonnement qu'Aristote y dénomme déjà syllogismeet qui se caractérise, les prémisses étant posées, par le caractère contraignant de la conclusion qu'on en déduit. « Le syllogisme est un discours... -
ARISTOTÉLISME
- Écrit par Hervé BARREAU
- 2 242 mots
- 1 média
...vraie. La science doit porter, en outre, sur ce qui est nécessaire. C'est pourquoi elle doit adopter un type de raisonnement qu'Aristote a appelé le syllogisme catégorique. Selon ce raisonnement, à partir de deux prémisses posées comme vraies, on peut déduire nécessairement une conclusion vraie,... -
DÉMONSTRATION (notions de base)
- Écrit par Philippe GRANAROLO
- 3 085 mots
La logique d’Aristote établit les principes du discours cohérent par le biais des règles du syllogisme, ce raisonnement qui tire une conclusion de deux prémisses ( des propositions posées initialement dont on suppose la vérité), en associant deux à deux trois termes différents. L'un des termes, appelé... -
DIALLÈLE
- Écrit par Françoise ARMENGAUD
- 463 mots
Raisonnement erroné qui a été repéré et thématisé par les philosophes grecs, notamment les sceptiques. Diallèle est la transcription de diallèlos, nom grec de ce qu'on appelle aussi « cercle vicieux » ou « inférence réciproque », et qui consiste à définir un terme ou à démontrer une proposition...
- Afficher les 17 références