FLOIRAT SYLVAIN (1899-1993)
“Il y a soixante-seize ans que je travaille, soit plus de trois quarts de siècle, et je ne sais rien faire d'autre.” Tels sont les derniers mots écrits par Sylvain Floirat, cet apprenti charron devenu milliardaire, au terme d'une sobre note autobiographique qu'il tapa lui-même, pendant sa quatre-vingt-dixième année, sur sa vieille machine à écrire.
Son père était cordonnier et sa mère tenait une petite épicerie-mercerie à Nailhac, son village natal, dont il sera maire à partir de 1959. De son Périgord, il avait gardé l'accent rocailleux. Fidèle à sa province, il présidera la Fédération des producteurs de truffes. Il y encouragera aussi la cueillette des noix et la culture du tabac. Ce passionné d'aviation a pu obtenir, en tant que président de la chambre de commerce de Périgueux, la création d'une piste d'atterrissage en dur près de cette ville.
Selon un de ses collaborateurs à Europe no 1, en dehors de son travail, “son seul vrai plaisir était de se retrouver parmi les siens en Périgord, d'enfiler ses bottes de caoutchouc et d'aller avec les vieux boire un coup au bistrot”. Cette simplicité le poussa à refuser le poste de secrétaire d'État à l'Industrie que Georges Pompidou lui avait proposé en 1970 : “Ce serait tellement triste d'être ancien ministre et de ne plus avoir de motards pour m'ouvrir la route”, déclarait-il alors en riant.
La légende périgourdine retiendra l'histoire d'un ouvrier devenu milliardaire par son génie des affaires. Il obtint un certificat d'études à treize ans. Ce sera son seul diplôme. Ses parents étaient trop pauvres pour qu'il entreprît des études secondaires. Il devint donc, en 1912, apprenti carrossier-charron chez Joseph Duteil, juste en face du domicile familial.
Survient la guerre. Mobilisé, son patron meurt de brûlures. L'atelier ferme. À quinze ans à peine, Sylvain Floirat part pour Paris. Après trois années de labeur comme ouvrier, il devance l'appel et, pendant son service militaire, s'inscrit à l'école Pigier pour suivre des cours de comptabilité.
Libéré, il est embauché par un carrossier parisien. Il suit parallèlement, le soir, des cours de dessin industriel. Affecté dans une usine de La Plaine-Saint-Denis, remarqué par son patron, il en gravit rapidement tous les échelons : brigadier, contremaître, puis directeur d'usine. En 1928, il achète, dans la même ville, un atelier de carrosserie-charronnage avec ses économies et l'aide de son beau-père. Il embauche alors, comme directeur administratif, Lucien Gillet, qui restera jusqu'à sa mort son associé. La société crée un atelier de mécanique. De fil en aiguille, sous le nom de Cars Floirat, elle deviendra en France le premier constructeur de cars à cabine avancée. Les autocars seront surtout vendus dans le midi de la France, puis dans le Maghreb. En 1952, la société fournira des autorails à la Réunion et à Madagascar. Tout naturellement, Sylvain Floirat passe alors du rôle de constructeur à celui de transporteur routier. Il rachète différentes lignes d'autocars dans le Sud-Est et dans le Sud-Ouest.
Après la débâcle de juin 1940, il laisse ses ateliers de Saint-Denis “qui continuaient à travailler” et passe en zone libre. À Marseille, il monte, sous les ordres du général Mollard, le réseau clandestin C.D.M. (Conservation du matériel de l'armée). Après l'arrestation par la Gestapo, en décembre 1943, de Mollard et de son fils, déportés en Allemagne, Floirat s'installe à Paris.
Il crée en 1945 la société de transports aériens Aigle Azur, et démarre en rachetant aux domaines trois avions militaires Junker-52. Cette compagnie étend rapidement ses activités en Afrique du Nord, en Afrique noire et en Indochine, transportant marchandises et passagers. Elle sera très rentable, jusqu'au désastre de Diên Biên[...]
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Écrit par
- Philippe DENOIX
: journaliste, chef d'enquêtes à
La Vie française
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