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SYMBOLE

Le champ du symbole

Pour une interprétation sociologique des faits de symbolisme

Le champ du symbole peut-il être limité ? Il semble que non. Il est peu de pratiques sociales, peu de conduites culturelles qui n'en soient imprégnées. La mode, la publicité, l'urbanisme, l'architecture, le discours politique (en entendant par ce terme la continuité des messages politiques transmis à l'intérieur d'une société donnée) sont tous porteurs de symbolisme. Tout semble autoriser une interprétation sociologique d'ensemble des faits de symbolisation.

C'est ce qu'a tenté pour sa part le sociologue Henri Lefebvre, à partir d'une réflexion sur le langage (Langage et société). Sa perspective est polémique, « romantique » et politique. Il remarque d'abord combien l'émergence de la réflexion linguistique menée à partir des travaux classiques de Saussure, Martinet, Benveniste (à un degré beaucoup moindre, de Jakobson), pour féconde qu'elle ait été par ailleurs, aboutit à ne voir dans le langage que deux dimensions : celle du paradigme, ensemble d'oppositions pertinentes exprimant des choix de départ, des alternatives simples et contraignantes, système régi par des pratiques recensionnelles et discriminantes (théorie de l'information, par exemple), et celle du syntagme, où s'effectuent toutes les rencontres, les jeux et les combinaisons entre les différents considérants d'une réalité donnée. Le code de la route, exemple favori des sémiologues, peut s'analyser ainsi en termes paradigmatiques (vert-rouge, permis-défendu, montée-descente, rectitude-tournant, droite-gauche, etc.), qui d'ailleurs tirent fréquemment le signe de code du côté du signal : ainsi, le rouge déclenche une conduite d'arrêt qui est presque un réflexe conditionné, et il présente toujours une injonction. La dimension syntagmatique, ce sont les lois de conduite dans leur ensemble, formant précisément le code, système complexe qui doit attribuer parfois des priorités à certaines de ses propositions par rapport à d'autres (par exemple, la fin de la limitation de vitesse ne délivre pas le conducteur de l'obligation de rester maître de la vitesse de son véhicule). Le code est ainsi régi par une combinatoire chargée d'épuiser ses virtualités. Il en est de même d'autres réalités sociales, comme la ville où le paradigme est assuré par les oppositions entre centre et périphérie, bureaux et logements, voies de circulation et voies de commerce, ville et campagne, limites (enceintes) et accès (portes), etc. La dimension syntagmatique règle les échanges, les itinéraires, les réseaux de connaissances.

Dans les deux cas, on manque la dimension symbolique, pourtant essentielle. Celle-ci est présente pour le code de la route dans la tête de mort, le signe de virage, l'annonce du rétrécissement de la voie, la voiture qui dérape pour indiquer la route glissante et soumise au verglas. Elle est présente pour la ville dans son style, ses monuments, sa mémoire historique, la conscience qu'elle a de sa continuité. Les faits de symbolisme échappent certes le plus souvent au classement, à la combinaison, au recensement, à la statistique, à la théorie de l'information : d'où la méfiance à leur endroit de la civilisation technicienne. C'est ce qui explique pour Henri Lefebvre la disparition du symbole dans les formes de civilisation contemporaines où s'exerce le pouvoir. Mal absolu, dans la mesure où « le symbole se situe au niveau du sens », de telle sorte qu'on ne réduit pas l'un sans l'autre. Sans symbolisme, l'habiter se dégrade en habitat (l'habitat pavillonnaire, par exemple), la ville en agglomération. L'approche sociologique doit aboutir à un code tridimensionnel (paradigme, syntagme, symbole), sous peine de faciliter la destruction[...]

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  • : conseiller en musique du xxe siècle, producteur à France-Musique

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