SYMBOLISME Arts
Un art symboliste est-il définissable ? Cela n'est pas absolument certain ; peut-être même l'introduction dans l'histoire de l'art de cette nouvelle catégorie n'était-elle pas vraiment souhaitable, en ce sens qu'il ne saurait s'agir d'un mouvement précisément délimité, comme l'impressionnisme, mais d'un « courant » aux contours imprécis, comme le baroque, ou, pour la période contemporaine, l'expressionnisme. L'apparente simplification que semble apporter un terme commode risque de recouvrir des dissemblances profondes, de rassembler sous une même étiquette des mouvements qui ne coïncident que par leurs franges les plus externes. Les historiens se sont d'ailleurs longtemps passés du mot : la notion tout aussi vague mais moins compromettante de « post-impressionnisme », la seule prise en considération des individualités (Van Gogh, Gustave Moreau, Puvis de Chavannes, Carrière) ou d'écoles plus aisément délimitables (Pont-Aven, les nabis) suffisaient. En 1934, dans une tentative de définition lucide mais quelque peu désabusée qu'il intitulait significativement « l'époque du symbolisme », Maurice Denis pouvait écrire que le terme n'était « plus guère employé ni compris ».
Depuis le milieu du xxe siècle cependant, et pour des raisons complexes qu'il faudrait élucider, les artistes qualifiés à tort ou à raison de symbolistes connaissent un regain de faveur. Au point que, de redécouvertes en réévaluations successives, le terme finit par connaître de dangereuses extensions, et que la notion, comme naguère celle de « baroque », risque de se dissoudre peu à peu au gré des généralisations abusives et de la volonté, parfois suspecte, de valoriser tel ou tel artiste mineur en le rattachant à un courant qui se pare progressivement de nouveaux et surprenants prestiges. En 1947, Charles Chassé, dont le livre devait donner une nouvelle impulsion aux recherches en ce domaine, comprenait dans le « mouvement symboliste » Moreau et Puvis de Chavannes, Carrière et Redon, Gauguin et l'école de Pont-Aven, les nabis et Rodin, choix que confirmait, trois ans plus tard, une mémorable exposition à l'Orangerie. Quarante ans après, les « symbolistes » ont crû et multiplié au point que les réalistes, impressionnistes et néo-impressionnistes feraient figure de groupuscules désormais minoritaires dans un siècle largement symboliste où il faudrait compter, avec les préraphaélites anglais, des romantiques allemands comme Friedrich, les avant-gardes belge et hollandaise, l'hétéroclite rassemblement des Rose-Croix, les sécessions viennoises et munichoises, les suisses avec Böcklin, Hodler et Welti, les futuristes italiens à leurs débuts, les peintres scandinaves avec Munch, et jusqu'à un Seurat, un Van Gogh, un Kandinsky ou un Kupka, ou encore le douanier Rousseau, par certains aspects de leur œuvre ! La confusion, on le voit, est à son comble. Mais à vouloir trop prouver et rajeunir ainsi abusivement la vision du siècle, on risque fort de ne céder qu'à une mode superficielle, et à des engouements passagers.
Les dates et les théories
Les difficultés sont de deux ordres. Dans ce que l'on est maintenant contraint d'appeler le « noyau » symboliste – ceux qui à l'époque même ont reçu ou revendiqué cette dénomination – les manières diffèrent à l'extrême : la peinture de Puvis paraît à cent lieues de celle de Gauguin, qui l'admirait pourtant ; le « tuyau de cheminée » de Carrière semble aux antipodes des joailleries de Gustave Moreau ; les subtilités des nabis paraissent condamner les prétentieuses et lourdes naïvetés de certains des adeptes de Joséphin Péladan. C'est qu'en effet, et au rebours d'habitudes laborieusement acquises, imposées en particulier par la célébration trop exclusive de la peinture impressionniste, la considération de la forme devrait[...]
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Écrit par
- Jean-Paul BOUILLON : professeur d'histoire de l'art moderne et contemporain à l'université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand
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