TERRE SYMBOLISME DE LA
La terre diurne
La terre diurne, cultivée, est symbolisée dans la théogonie par Déméter-Cérès qui appartient à la deuxième, sinon à la troisième génération divine ; elle est essentiellement la déesse du blé ; et l'odyssée de la déesse à la recherche de sa fille Perséphone-Proserpine ne fait qu'indiquer le rythme cyclique qui fait passer du diurne au nocturne, et vice versa, aussi bien les graines des céréales que les saisons de la terre et même le destin des hommes ou des fils des déesses, qui « ressuscitent » tôt ou tard. Bien que, dans la mythologie classique, les valeurs métallurgiques soient plutôt liées au feu d'Héphaïstos-Vulcain – grâce à l'intermédiaire, indispensable à l'agriculture, du soc de charrue –, une valence métallique est introduite dans la mythologie de la terre. La charrue, inventée par Athéna, fille de Zeus et sœur d'Apollon, sert à faire régner un ordre apollinien sur la terre, aussi bien dans les champs que dans la fondation des villes avec Romulus. L'empereur de Chine traçait le sillon initiateur de son nouvel empire. Ce n'est donc pas sans raison que Bachelard rattache aux « rêveries telluriques de la volonté » le caractère « agressif » des outils (ibid., chap. ii) et le « lyrisme dynamique du forgeron » (chap. vi), dont le marteau, « la plus grande conquête morale que l'homme ait jamais faite », ouvre la voie à toutes les métaphores symboliques du « métallisme » et du « minéralisme » (chap. ix). On a donc affaire ici à une terre fécondée, une Vierge Mère parturiente, sinon à une terre virilisée par le soc comme par la bêche ou en général par tous les instruments aratoires (en sanskrit lāngala, la « charrue », est quasi homonyme de liṅga, le « phallus »). La terre « métallique » suscite donc toute la généalogie de l'outillage, qui, à partir du soc ou de la bêche, régresse au marteau de forgeron et se diversifie de façon buissonnante dans le stylet de l'écrivain (cf. M.-M. Davy, in Dictionnaire des symboles), dans le ciseau du sculpteur, mais qui a aussi quelque parenté avec le glaive du défenseur, comme le signifient, dans la mythologie latine, les attributs du dieu de la guerre, Mars. L'on pourrait dire que la terre ne se met au régime « diurne » que par procuration d'une puissance extérieure virile. Quoi qu'il en soit, les images de l'outillage métallique – et métallurgique – entraînent toutes les rêveries du travail de la « volonté incisive » (cf. Bachelard, op. cit., chap. ii) à partir des images de la terre dure, de la pierre, du rocher (op. cit., « Le rocher »). La roche introduit deux séries d'images symboliques : celle, toute délivrée de l'outil et qui retourne à une sorte de dure sauvagerie tellurique, de la montagne, de l'escalade – cette rocheuse ascension – avec ses valences négatives qui la guettent dans toute « rêverie pétrifiante » (op. cit., chap. viii, « La Rêverie pétrifiante ») constituant un redoutable « complexe de la méduse » que Bachelard a tôt fait de repérer chez Huysmans ou chez Mérimée ; mais celle aussi de l'art du constructeur, du tailleur de pierres, autre façon de féconder la terre par le ciseau et non plus par le soc. À l'altitude des terres montagnardes se marient les rêveries du gel – cette pétrification de l'eau qui incite à la « rêverie cristalline » (op. cit., chap. x) et, par ce détour de la dureté, nous ramène insensiblement au cœur minier de la terre où se cachent les gemmes et les pierres précieuses –, à celles-ci Bachelard annexe audacieusement la perle, dans laquelle l'eau, lentement cette fois, biologiquement, se pétrifie. Aux rêveries de la fondation, de la construction s'allient tous les symbolismes si riches de la « pierre d'angle », de la « pierre vive » qui vont[...]
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Écrit par
- Gilbert DURAND : professeur à l'université de Grenoble
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Média
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