EAUX SYMBOLISME DES
L'eau baptismale ou lustrale
Une troisième orientation peut alors s'amorcer dans le symbolisme aquatique : celle de la purification, de l'eau baptismale ou lustrale. Nous saisissons là sur le vif cette logique si particulière du symbole où une image suscite une autre image qui peut jusqu'à un certain point contester la première tout en prolongeant une part importante de son sens. C'est ainsi que la méditation de l'archétype de l'eau fécondante, de l'informalité primordiale suscitait en ligne directe les symboles rituels de la régénérescence aquatique. Mais si l'on ajoute une valeur de plus au liquide, si le bain devient lavage, la médiation imaginaire induite de l'arrosage pluvial ou artificiel, coulée dans la boisson et le bain, se dialectise soudain partiellement lorsqu'elle se penche sur la vertu lavante de l'eau. Ce qui était fonction nutritive, surnutritive même avec l'eau laiteuse et maternelle, devient vertu purificatrice, ascétique avec l'eau lustrale ou baptismale. Comme l'écrit Bachelard : « On ne peut pas déposer l'idéal de pureté n'importe où, dans n'importe quelle matière. Si puissants que soient les rites de purification, il est normal qu'ils s'adressent à une matière qui puisse les symboliser. L'eau claire est une tentation constante pour le symbolisme facile de la pureté. » Bachelard, fidèle à sa doctrine de la souveraineté de l'image, le sens figuré étant le fondement du sens propre, n'a guère de peine à établir, avec E. B. Tylor (La Civilisation primitive), que c'est la « substance du bien », l'eau claire, qui est le modèle axiologique de toutes les purifications et, secondairement, du vulgaire lavage. Il insiste sur cette concentration symbolique dans une substance raréfiée, en montrant facilement que les rituels de simple aspersion précèdent les rituels d'immersion : « Par bien des côtés, il semble que le lavage soit la métaphore, la traduction en clair, et que l'aspersion soit l'opération réelle, c'est-à-dire l'opération qui apporte la réalité de l'opération. »
Aussi bien l'ethnologue (M. Eliade, op. cit.) peut-il énumérer la longue liste des pratiques quasi universelles d'ablution lustrale, d'aspersion ou d'immersion : Zoulous, Arabes, anciens Grecs et Romains, Juifs et bien entendu Hindous pratiquent sous une forme quelconque la purification par l'eau telle qu'elle nous est conservée en chrétienté sous la forme de l'aspersion d'eau bénite (cf. Psaume L) ou d'immersion ou de simple ablution baptismale (Luc, iii, 3, 16, Épître aux Romains, vi, 3, 4). Le baptême lui-même participe de cette ambivalence surdéterminante qui est celle de l'eau pure, à la fois purificatrice par contagion, fécondante et régénérescente. C'est ce que note très bien saint Jean Chrysostome (Homil. in Joh., xxv, 2) cité par Eliade : « Quand nous plongeons notre tête dans l'eau, comme dans un sépulcre, le vieil homme est immergé, enseveli tout entier ; quand nous sortons de l'eau, le nouvel homme apparaît simultanément. » Nous voyons poindre dans cette accentuation de l'eau baptismale imaginairement mortuaire une quatrième acception du symbolisme de l'eau.
Il serait intéressant d'opposer sur ce point la mentalité socioculturelle des Chinois, et spécialement du taoïsme, à la mentalité de la Grèce classique. Pour les taoïstes (cf. P. Wieger, Les Pères du taoïsme), l'idéal éthique est de ressembler le plus possible à l'eau, d'atteindre à la souplesse, à l'absence de résistance de l'eau, de se dissoudre en quelque sorte dans un nirvâna hydrique, alors que pour les Grecs l'idéal moral est solide, telle la sphère de Parménide, et même pour Héraclite (frag. 68) : « C'est mort pour les âmes que de devenir[...]
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Écrit par
- Gilbert DURAND : professeur à l'université de Grenoble
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