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EAUX SYMBOLISME DES

L'eau diluviale

Le déluge est à la fois cataclysme vengeur et fin purificatrice d'un monde corrompu. Eliade a bien montré l'universalité des mythes diluviaux qui, des Sémites aux populations du Pacifique, de l'Atlantide aux légendes des Andes, associent l'engloutissement par l'eau au devenir, d'abord sous une forme lunaire, puis au devenir tout court, au Temps. Le déluge fait hésiter l'ethnologue entre une interprétation pessimiste et héraclitéenne du devenir et une interprétation sotériologique : « Les méchancetés, les péchés finiraient pas défigurer l'humanité ; vidée des germes et des forces créatrices, l'humanité s'étiolerait, décrépite et stérile. Au lieu de la régression lente en formes sous-humaines, le déluge amène la réabsorption instantanée dans les eaux, dans lesquelles les péchés sont purifiés et desquelles naîtra l'humanité nouvelle, régénérée » (M. Eliade, op. cit.). La valence positive du déluge est souvent symbolisée par l'arche, dont la barque n'est qu'un diminutif. Il n'est pas besoin d'insister sur le mythe de l'arche de Noé que chacun connaît (Gen., vi, 13), mais il nous faut nous arrêter au symbolisme des barques et des nacelles qui toutes sont, si l'on peut dire, le symbolisme « quintessentiel » de l'eau. De même que l'aspersion par l'hysope est une purification superlative, la barque concentre en elle les vertus de salvation, de fécondité, de naissance des eaux, au sein même de la tempête, de la colère aquatique et de la mort diluviale (G. Durand, Les Structures anthropologiques, « La Descente et la coupe »).

Modèle de barque provenant du mobilier d'une tombe - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Modèle de barque provenant du mobilier d'une tombe

Certes la barque est un symbole très polyvalent : elle est faite de bois, de peaux, de roseaux, matériaux qui renvoient à autant de nuances symboliques : sa fusiformité peut suggérer tout aussi bien la quenouille des fileuses que les cornes de la lune. Mais la valorisation psychopompe de la barque – fût-elle lunaire – n'échappe ni à la mythologie égyptienne, où Isis et Osiris voyagent sur une barque funéraire, où chaque momie est accompagnée de barques symboliques, ni aux mythologies sémitique, polynésienne, celtique ou hindoue (F. Bar, Les Routes de l'autre monde). Dans cette dernière, le Prométhée hindou, le singe solaire Matariçuan, construit une arche pour transporter l'âme des morts, pour conserver et sauver ce qui ne doit pas être atteint par l'aspect négatif du cataclysme diluvial. On connaît les pages célèbres (L'Eau et les rêves) où Bachelard, reprenant ses thèses du primat du figuré, se demande même si « la mort ne fut pas le premier navigateur ». Et l'on saisit sur le vif le génie phénoménologique de G. Bachelard lorsqu'il inverse avec l'eau même le « sens de la vie » et du devenir : « Le cercueil, dans cette hypothèse mythologique, ne serait pas la dernière barque. Il serait la première barque. La mort ne serait pas le dernier voyage. Elle serait le premier voyage. Elle sera pour quelques rêveurs profonds le premier voyage. » Mais cette barque qui remonte aux sources de la vie ne peut se séparer de son moteur liquide. « Pour certains rêveurs, l'eau est le mouvement nouveau qui nous invite au voyage jamais fait. Ce départ matériel nous enlève à la matière de la terre. Aussi quelle étonnante grandeur il a, ce vers de Baudelaire, cette image subite comme elle va au cœur de notre mystère : « Ô mort, vieux capitaine, il est temps ! Levons l'ancre. »

Le « complexe de Caron », si vivace dans la légende et dans l'iconographie (Bachelard cite au petit bonheur le tombeau de Dagobert, La Divine Comédie, la fresque de la Sixtine), est bien la preuve de la survivance de cette image de l'arche dernière. « La barque de Caron sera ainsi un symbole qui restera attaché à l'indestructible malheur des[...]

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Modèle de barque provenant du mobilier d'une tombe - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

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