CIEL SYMBOLISME DU
L'harmonie des contraires
Toutefois un autre symbolisme vient se greffer sur l'archétype diurne du Ciel. Car le Ciel peut aussi être nocturne. Bien mieux, il est la scène dramatique par excellence où se succèdent les contraires, où s'affrontent les phases, où se jouent les ascensions astrales comme les déclins. Sans insister ici sur le symbolisme spécifique de la Lune, il nous faut indiquer cependant que c'est bien elle qui donne le ton à toute dramatisation céleste. La Lune, ainsi que ses phases, qui signalent sa révolution mensuelle céleste, donne le ton à toute mythologie terrestre, où se succèdent en contrastant des épisodes épiques, agricoles, biologiques. De l'astrobiologie chaldéenne ou mexicaine, en passant par le culte du Ciel chez les Chinois, pour aboutir aux civilisations méditerranéennes, c'est le drame lunaire, puis les phases de certaines planètes et le contraste du jour solaire et de la nuit qui ont toujours ordonné les calendriers, les rituels et les mythes, spécialement ceux de la vie agricole (R. Berthelot, J. Servier). Ce découpage du temps céleste en phases s'accompagne de la projection de ce temps astral sur l'espace céleste : les points cardinaux sont d'abord des points célestes, ceux des solstices et équinoxes solaires, ceux des planètes ou étoiles majeures (Sirius pour les Égyptiens et, en général, pour la plupart des Africains, Capella pour les Chaldéens, Vénus pour les Mexicains, etc.).
Le ciel contrasté, en nuit et jour, en lune ascendante et descendante, et enfin en quadrature équinoxiale et solsticielle, devient le modèle de l' ordre de l'univers (cosmos) où se rangent les contraires. L'on pourrait dire que la voûte céleste « quadraturée » par des points cardinaux ou astraux est le premier mandala (figure idéale où s'épousent le cercle et le carré), modèle universel des pérégrinations astrales, des stations et des orients de toutes choses. Au sein du contraste ou de l'espace orienté du Ciel s'esquisse donc le symbole de la coincidentia oppositorum (K. G. Jung). Le ciel, ainsi quadraturé et ordonné, devient en quelque sorte le modèle parfait ou puissant de toute destinée terrestre. Aussi à la science du calendrier céleste et à l'étude du ciel (astronomie) a été liée de tout temps l' astrologie. La combinatoire gigantesque et merveilleusement ordonnée que constitue la voûte céleste, le mouvement de ses astres et la géométrie de ses orients « signent » la destinée de chacun, mesurent le temps des événements, des empires et de l'histoire. Certes ce n'est pas ici le lieu d'examiner la très riche symbolique astrologique, celle de chaque planète, de chaque signe zodiacal, de chaque constellation, de chaque « aspect », maison céleste, etc. (cf. W. E. Peuckert, M. Senard, A. Barbault), mais ce qu'il faut remarquer, spécialement avec l'illustre astronome et astrologue Johannes Kepler (Harmonice mundi), c'est que l'astrologie met en évidence surtout les « aspects » – c'est-à-dire les concordances et les dissonances astrales selon que les astres sont en « conjonction », en « opposition », « quadrature », « trigone », etc. – qui dans le « ciel » d'un événement ou d'une destinée tissent l'être des choses de contraires, d'oppositions plus ou moins renforcées. Le ciel déjà scientifiquement élaboré des astrologues est donc bien le symbole mis en pratique de la coincidentia oppositorum.
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Écrit par
- Gilbert DURAND : professeur à l'université de Grenoble
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