FEU SYMBOLISME DU
La réflexion sur le symbolisme du feu a été décisive pour les travaux de la poétique, de la symbologie et même de l'épistémologie contemporaine. Par son ouvrage, paru juste avant la guerre, La Psychanalyse du feu (1938), Gaston Bachelard esquissait pour la première fois une étude « refusant le plan historique » et se référant aux structures permanentes de la rêverie du feu. Dénonçant les valorisations scientifiques du feu, il faisait d'une pierre deux coups : d'une part il ruinait toute théorie pseudo-scientifique des « quatre éléments », d'autre part il montrait que, derrière un élément en apparence homogène à la conceptualisation et même à la sensation, le feu, se cachaient des intentions structurales divergentes. Faisant effort pour séparer le « concept scientifique » des « arrière-images » de la subjectivité, la psychanalyse objective – c'est-à-dire celle qui purifie l'objet de son terroir psychanalytique – a tôt fait de dénoncer la mensongère unité de l'élémentarisme du feu. Aux intentions purement naturelles qui déjà viennent grever les trois autres éléments de la théorie classique, l'eau, la terre, l'air, de polarisations, symboliques divergentes, s'ajoute, en ce qui concerne le feu, une intention technologique majeure. C'est à juste titre que la « découverte » de ce dernier passe légendairement pour être l'invention primordiale. Aussi, tandis que les symboles des trois autres éléments étaient plutôt du ressort du psychologue, voire du psychanalyste travaillant à l'écart des implications sociales et culturelles, la symbolique du feu intéresse surtout l' anthropologie sociale et culturelle, comme en témoigne la lignée continue des ouvrages consacrés par les anthropologues à ce thème, depuis le livre classique de J. G. Frazer, Mythes sur l'origine du feu (Myths of the Origin of Fire, 1930), jusqu'à la série des Mythologiques de Claude Lévi-Strauss (Le Cru et le Cuit, 1964 ; Du miel aux cendres, 1966), en passant par Forgerons et alchimistes (1956) de Mircea Eliade.
Plus que celui de tout autre élément, le symbolisme du feu est « symbolisme pluriel ». Il ne cadre pratiquement jamais avec la définition simpliste qu'en donne la théorie des éléments. Ses symboles ne sont nullement la résultante de la combinaison du « chaud » et du « sec ». C'est au contraire à un essaim d'images des plus concrets qu'il renvoie : flamme, braise, étincelle, foudre, éclair, incendie, foyer, etc. Mais, également, le symbolisme du feu est esquissé par toute la série des qualificatifs, mal reliés entre eux, que met bien en évidence l' alchimie (cf. dom A. J. Pernety, Dictionnaire mytho-hermétique, 1758) : lumineux, doux, chaud, ardent, digérant, sec, brûlant, et même humide. Si l'on examine ensuite les compléments indirects du feu, on retrouve la même pluralité diversifiante : forge, cuisine, incinération, coction, fusion, crémation, briquets à piston, à friction, à percussion, etc. C'est l'alchimiste, le « philosophe par le feu », qui tentera de coordonner opératoirement – et non selon une logique des éléments – tous ces accents symboliques disparates.
Toutefois, puisqu'il faut bien donner ici une classification des symboles du feu, il semble que l'on peut distinguer deux axes principaux qui orientent le champ du symbolisme pyrologique : l'axe des symboles calorifiques et celui des symboles fulgurants.
Le feu réchauffant
Le feu calorifique est celui que l'alchimiste assimile aux « bains » de différents degrés (feu de cendre, feu de sable, feu de fumier, feu de limaille, feu de Perse, feu d'Égypte) ; il renvoie à deux grandes polarisations symboliques : le symbolisme érotique et le symbolisme filial.
Éros et le feu
Le symbolisme érotique est donné par[...]
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Écrit par
- Gilbert DURAND : professeur à l'université de Grenoble
Classification
Autres références
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AGNI
- Écrit par Jean VARENNE
- 906 mots
Divinité de la religion védique qui personnifie le feu (en sanskrit, agni : feu). Plusieurs « éléments » naturels (l'eau, la terre, l'air, etc.) tiennent une place importante dans la mythologie et le culte védiques, conjointement avec des « objets » cosmiques (le Soleil, la Lune, les rivières)...
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