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SYMBOLISME Théâtre

Le théâtre symboliste s'est développé au cours de la dernière décennie du xixe siècle en France, dans un mouvement de réaction idéaliste à la fois contre le drame bourgeois et contre le théâtre naturaliste d'André Antoine. Issu de la poésie symboliste, il entend rompre avec la « pièce bien faite », devenue un modèle d'écriture dominant au xixe siècle, et plus généralement avec l'appauvrissement de l'art dramatique français que fustigeait déjà Antoine. Partageant avec le romantisme une profonde nostalgie du passé, il vise la résurgence d'un théâtre tragique et spirituel placé sous le signe de dramaturgies aussi diverses que le drame musical wagnérien, dont le théâtre de Villiers de l'Isle-Adam constitue un relais français important, la tragédie grecque et le mystère médiéval. L'influence des théâtres de marionnettes, très en vogue à la fin du xixe siècle, s'avère elle aussi décisive sur le plan scénique.

Un théâtre des limites

Edward Gordon Craig, vers 1960 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Edward Gordon Craig, vers 1960

Le théâtre symboliste repose sur un double paradoxe : en premier lieu, il a eu un impact extrêmement important dans l'évolution de l'art scénique au xxe siècle, alors qu'il s'est développé dans des conditions proches de l'amateurisme, qu'il a essuyé de très nombreux échecs et qu'il a été porté par des artistes mineurs dont les noms sont aujourd'hui oubliés, à quelques exceptions près. Il est pourtant le premier théâtre à avoir radicalement rompu avec le réalisme illusionniste et à avoir ouvert la voie à de grands noms de la scène moderne comme E. G. Craig, Adolphe Appia ou V. S. Meyerhold. Le second paradoxe de ce théâtre est qu'il a inventé et élaboré contre le théâtre lui-même un nouvel art scénique, en vertu d'une méfiance radicale à l'égard de la matérialité scénique et de la présence de l'acteur.

La plupart des drames symbolistes sont aujourd'hui oubliés et n'ont jamais été rejoués. Édouard Dujardin, Joséphin Péladan, Rachilde, Remy de Gourmont, Pierre Quillard ou Saint-Pol-Roux, pour ne citer que quelques noms, constituent une pléiade d'auteurs qui ont tous tenté de renouveler en profondeur l'écriture dramatique, mais qui ont souvent écrit dans une langue hermétique et compassée. Deux dramaturges de la mouvance symboliste continuent pourtant à être portés à la scène : le Belge Maurice Maeterlinck, qui a connu un fort regain d'intérêt en France depuis les années 1980, et le jeune Claudel, celui de Tête d'Or (1889) et de La Ville (1890).

Maurice Maeterlinck - crédits : Culture Club/ Getty Images

Maurice Maeterlinck

Dans son ensemble, la dramaturgie symboliste se définit comme une mise en crise de la représentation homogène du réel, et l'affirmation d'une discontinuité entre le monde visible et le monde invisible, le matériel et le spirituel. Les influences néo-platonicienne, occultiste ou médiévale s'y jouxtent dans un curieux syncrétisme. Renonçant à la structure traditionnelle de l'intrigue interhumaine fondée sur le conflit, les dramaturges explorent deux formes qui auront une destinée importante dans le drame moderne et contemporain. Le « Mystère », inspiré du théâtre médiéval, et qui deviendra le Stationendrama chez les expressionnistes, est conçu comme une dramaturgie du chemin de vie, voire de l'initiation. Axël (1890) de Villiers de l'Isle-Adam en constitue le prototype : un héros central traverse les mondes dans un parcours de renoncement et d'ascèse qui le mènera à « l'option suprême » : le suicide. L'autre forme importante du drame symboliste est la pièce brève, explorée par Maeterlinck dans L'Intruse (1890), Les Aveugles (ibid.) ou encore Intérieur (1894) : il s'agit ici d'un théâtre fondamentalement statique au sein duquel les personnages font l'expérience de l'approche de la mort et d'un tragique de l'impuissance qui trouvera[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Grenoble-IV-Stendhal

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Médias

Edward Gordon Craig, vers 1960 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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Maurice Maeterlinck - crédits : Culture Club/ Getty Images

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