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SYMBOLISME Vue d'ensemble

S'interrogeant, en 1939, sur l'Existence du symbolisme, Paul Valéry laissait entendre que ce terme lui posait problème – avant d'expliquer qu'il s'agissait d'une « construction » conçue a posteriori. On distingue désormais deux acceptions. La première concerne une école littéraire née à Paris à la fin du xixe siècle, avec ses précurseurs, ses maîtres, ses épigones. La seconde, un mouvement artistique de vaste amplitude qui fédère des écrivains, des peintres, des musiciens appartenant à plusieurs générations et à des pays divers, d'Edgar Allan Poe (États-Unis) à Richard Wagner (Allemagne) ou à Maurice Maeterlinck (Belgique), en passant par Dante-Gabriel Rossetti (Angleterre). Alors que l'école se manifeste pendant deux décennies, à partir des années 1880, le mouvement s'inscrit dans la longue durée, de 1850 à 1920 environ.

On met au compte de la première une production féconde, riche en ruptures qui concernent essentiellement la poésie et le théâtre. Elle s'inspire volontiers du modèle musical : « Reprendre à la musique son bien », a dit Valéry. On met au compte du second des productions qui intéressent tous les modes d'expression. L'une et l'autre privilégient l'allégorie ou le symbole (en grec sumbolon, « signe de reconnaissance constitué par la moitié d'un objet »), qui réfutent les références au monde contemporain et sont inspirés par la légende, le mythe, le rêve, par ce que Eduard von Hartmann (1842-1906), disciple de Schopenhauer, a nommé l'« Inconscient ».

Dans tous les cas, les écrivains et artistes qu'assemble la désignation « symbolisme » dénoncent une société vouée au « matérialisme » par le progrès technique. Ils recourent volontiers à des manifestes, à des écrits théoriques et ils partagent les mêmes credos spiritualistes. On rendra compte de cette esthétique en considérant tour à tour une école et un imaginaire, quelques figures de proue, des idées-forces, des thèmes en vogue, mais aussi des œuvres auxquelles on doit un remarquable renouveau littéraire et artistique.

Les thèses du symbolisme littéraire sont exposées par un « Manifeste » que Jean Moréas publie dans Le Figaro du 18 septembre 1886. Âgé de trente ans, né à Athènes, auteur d'un recueil poétique confidentiel (Les Syrtes, 1884), il prend la défense des auteurs « décadents » que la critique en place accuse de malmener la langue française en se complaisant dans « l'inintelligible » (Pierre Bourde, Le Temps, 6 août 1885). Au nom de l'« évolution », Moréas revendique une expression qui vise « à vêtir l'idée d'une forme sensible », sans pour autant se constituer en message clairement formulé « car le caractère essentiel de l'art symbolique consiste à ne jamais aller jusqu'à la conception de l'idée en soi ». Dans ce propos, il invite à des recherches qui touchent tous les domaines – celui, en poésie, « d'impollués vocables », d'une métrique au « désordre savamment ordonné » – et, pour le roman, à une « déformation subjective ».

Nombre de ces principes ont déjà été exposés à bien des reprises. Naguère, dans une première série des « Poètes maudits » publiée par la revue Lutèce, en 1883, Paul Verlaine avait fait connaître les incartades de Tristan Corbière, les audaces d'Arthur Rimbaud, les vers sybillins de Stéphane Mallarmé. L'année suivante, Joris-Karl Huysmans, dans À rebours, roman provocateur privé d'« aventure », consacrait un chapitre (v) à des peintres et deux autres (xii et xiv) à des écrivains, qui se détournent du « réel » pour découvrir des voies nouvelles. Ils composeront, des années durant, le Panthéon des jeunes lecteurs : d'une part Gustave Moreau, Odilon Redon, et d'autre part – outre[...]

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  • : professeur émérite de littérature française, université de Paris-VII-Denis-Diderot

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