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SYMÉON LE NOUVEAU THÉOLOGIEN (949-1022)

Antinomie apophatique et déification du corps

Toute la vision théologique de l'Orient chrétien est rendue par Syméon en termes directs et brûlants, dans le verbe de celui qui « vit ce dont il parle ». Ses chants d'amour en particulier sont structurés par l'antinomie apophatique de l'abîme et de la croix. Il part d'une expérience du sans-limites ; il se sent « déposé au milieu d'un abîme infini d'eaux lumineuses ». Mais, du fond de l'abîme, l'Amour-en-Personne vient à lui : « Je suis le Dieu qui pour toi s'est fait homme. Et parce que tu m'as recherché de toute ton âme, voici que désormais tu seras mon frère, mon cohéritier et mon ami. » Ainsi le balancement ineffable : « Ô Essence cachée [...], comment as-tu souffert comme un malfaiteur ? Tel est ton amour pour les hommes, pour tous, fidèles, infidèles, païens, pécheurs et saints. » Alors, le cœur « se retourne » dans les larmes ; et l'homme, mesurant sa « dissemblance », traversant un véritable « jugement », s'unifie peu à peu dans ce cœur où « se lève le Soleil divin », où sens et facultés s'intègrent en une « sensation unique », de sorte que l'« audition devient vision et la vision audition ». Christifié, pneumatisé, l'homme est introduit dans le Royaume qui n'est autre que l'amour trinitaire : il devient « le pauvre qui aime ses frères ».

Syméon insiste sur la déification du corps, par participation au Corps christique, eucharistique, « tout fulgurant du feu de la divinité ». L'homme est christifié jusque dans son sexe, il ne voit que le Christ dans la nudité des corps, il célèbre, dans son union avec son Seigneur, la grande nuptialité du Christ et de l'Église, de Dieu et de tout l'éros de la terre appelé à l'illumination. Il y a ici des accents qui font penser à ce qui pourrait être un tantrisme chrétien. D'autant que la perspective a une dimension cosmologique, le destin de l'univers se trouvant déterminé par les relations de l'homme et de Dieu.

L'expérience spirituelle, tendue vers la parousie, l'anticipe déjà en partie : « Je sais que je ne mourrai pas puisque je suis au-dedans de la vie et que je l'ai sentie tout entière qui jaillit au-dedans de moi [...]. Pour ceux qui marchent toujours dans la lumière, le Jour du Seigneur ne viendra jamais car ils sont toujours avec Dieu et en Dieu. »

— Olivier CLÉMENT

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, professeur à l'Institut Saint-Serge de Paris

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