SYMPHONIE
Dans l'histoire de la musique occidentale, l'ensemble des œuvres dénommées symphonies, qualifiées de symphoniques ou qui auraient mérité de l'être, représente un volume de musique plusieurs fois supérieur à tout le reste de la production écrite – et dont la « symphonie » proprement dite, au sens où l'entendent les traités, ne constitue qu'une faible partie.
Le mot lui-même, directement emprunté au grec, apparaît vers le xvie siècle dans le vocabulaire musical des principales nations européennes. À l'origine, pris dans son sens étymologique, il est presque synonyme de « musique » et peut désigner indifféremment n'importe quelle sorte de composition, à l'exception, sans doute, de la monodie pure. Très tôt, cependant, l'usage tend à limiter son application à la musique instrumentale – par opposition à la musique vocale – et plus spécialement à la musique d'ensemble. Puis, peu à peu, il en vient à désigner un certain genre d'écriture et un certain type de concert, et enfin une forme particulière d'œuvre pour orchestre, assez rigoureusement définie, dont Haydn, Mozart et Beethoven donnent des illustrations magistrales. Mais déjà prend naissance, dès les premières années du xixe siècle, une tradition symphonique qui s'éloignera de plus en plus du modèle classique. Forme vivante, c'est à peine si l'on peut encore parler de forme à propos de la symphonie, qui ne cesse d'évoluer, enrichissant sa palette et modifiant sa syntaxe au point d'en faire éclater les structures. Aujourd'hui, la pâte symphonique, nourriture quotidienne de tous les orchestres du monde entier, dépasse largement le cadre de la symphonie. Toutefois, à travers toutes ces métamorphoses, demeure comme une donnée permanente un certain esprit de recherche qui est l'esprit même de la symphonie.
Naissance de l'esprit symphonique
Ce n'est que vers le milieu du xviiie siècle que la symphonie comme forme musicale a commencé à se dessiner. Tous les historiens ont souligné le rôle important joué dans son élaboration par les musiciens de l'école de Mannheim et par Haydn qui fut même surnommé « le père de la symphonie ». Faudrait-il donc croire que les innombrables « symphonies » de toute nature qui ont été produites au cours du xviie siècle et dans la première moitié du xviiie, tant en France qu'en Italie ou en Allemagne, ont bénéficié d'une erreur d'appellation ?
Il est vrai que le même mot pouvait recouvrir des objets en apparence fort différents. Tantôt il s'agissait de ritournelles d'orchestre à l'intérieur d'un opéra (c'est ainsi qu'on publia séparément des « Symphonies de M. de Lully »), tantôt ce sont des concerts d'orchestre dont la construction s'apparente à celle de la « suite », tantôt ce sont des pièces de musique de chambre en trio ou en quatuor, tantôt une ouverture pour orchestre dans la tradition de l'opéra français, tantôt, enfin, on désigne sous le même nom des pièces vocales avec accompagnement d'orchestre, et on le retrouve plusieurs fois sous la plume de Jean-Sébastien Bach à propos de pièces de clavecin.
Si l'on cherche à travers ces emplois divers le sens général du mot symphonie, il est trop évident qu'il ne désignait pas une forme, mais un certain caractère de la musique et une certaine intention du compositeur, et, pour tout dire, un certain esprit. N'oublions pas que ce mot directement tiré du grec a dû garder longtemps un petit parfum de cuistrerie et comme un relent de snobisme. À ce vocable savant devait nécessairement correspondre une musique savante et des compositions très élaborées.
On constata bientôt que l'appellation « symphonie » était une très bonne étiquette commerciale et sans doute en abusa-t-on quelque peu. Il[...]
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Écrit par
- Pierre BILLARD : musicologue
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