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SYMPHONIE

L'apothéose de la symphonie

À quelques rares exceptions près, la musique instrumentale avait toujours été considérée jusque vers la fin du xviiie siècle comme d'essence inférieure à la musique vocale, tant il était admis que la musique, pour être réellement expressive, ne pouvait se passer d'un support littéraire. Les pièces instrumentales en question n'étaient le plus souvent que des « danseries » sans prétention, ou des « concerti » destinés à servir d'intermèdes au milieu de cantates d'église. La fonction naturelle de ces « suites », « ouvertures », « ritournelles » et autres sonates était de servir de musique d'ameublement. Les profondes recherches des luthistes ou des clavecinistes étaient reléguées au rang d'amusettes et les plus savantes inventions des organistes n'étaient admises que comme interludes entre les chants prévus pour la liturgie.

Un des plus grands mérites des « symphonistes » est d'avoir revendiqué hautement la dignité de la musique instrumentale en présentant leurs œuvres comme des « objets » qu'on doit écouter avec respect sinon avec intérêt. On peut facilement imaginer que les premières exécutions de symphonies au « Concert spirituel » ont donné pour la première fois aux Parisiens l'occasion d'écouter de la musique instrumentale sans s'occuper en même temps d'autre chose. La musique n'est plus seulement l'ornement d'une fête, elle est devenue l'objet même de la fête : il s'agit là d'une nouveauté tout à fait révolutionnaire. Peu à peu, le public en viendra à ressentir l'exécution solennelle d'une symphonie comme la célébration d'une sorte d'office religieux ou la représentation d'un mystère. En fin de compte, c'est toute la musique qui a bénéficié de cette « sacralisation du concert ».

À partir de Mozart, et surtout de Beethoven, la symphonie a définitivement conquis ses lettres de noblesse. Bientôt, elle va occuper la position la plus élevée dans la hiérarchie des genres. Elle est, pour le musicien, à la fois le signe de la maîtrise technique et la consécration de la réussite sociale : une somme dans laquelle il a mis toute sa science et quelquefois même toute sa philosophie – une sorte de testament musical. Chaque symphonie a des allures de monument. Le temps n'est plus où Haydn pouvait écrire plus de cent symphonies et Mozart une quarantaine en si peu d'années. Depuis Beethoven, les compositeurs les plus féconds dépassent rarement le cap de leur « neuvième symphonie ».

Entre la symphonie La Reine de Haydn, la Neuvième de Beethoven, la Fantastique de Berlioz, la Rhénane de Schumann, la Huitième de Mahler, la Symphonie en ré mineur de Franck et la Symphonie de Psaumes de Stravinski, les dissemblances d'aspect et de structure frappent sans doute plus nettement que les liens de parenté. Dans tous ces cas, cependant, il s'agit bien de symphonies. C'est précisément ce qui a fait la fécondité de la forme « symphonie », dont l'idée générale s'est affirmée vers le milieu du xviiie siècle, que cette aptitude à subir toutes sortes d'amendements, voire de métamorphoses, sans pour autant perdre son identité.

La célèbre « forme classique » de la symphonie dans laquelle une tradition pédagogique un peu simpliste voit le point de départ de l'évolution ultérieure du genre n'est en fait, nous le savons à présent, qu'un état transitoire, un schéma formel tout juste propre à servir de modèle scolaire aux conservatoires et que ni Haydn ni Mozart n'ont eux-mêmes rigoureusement respecté. Eugène Borrel s'est amusé à compter que sur les quarante et une symphonies écrites par Mozart, une moitié est en trois mouvements et l'autre en quatre, que vingt-quatre symphonies admettent les reprises dans le premier morceau et les[...]

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J. Haydn - crédits : DEA / A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

J. Haydn

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