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SYMPHONIE

L'écriture symphonique

On a vu que l'esprit symphonique était sans doute responsable de l'établissement de rapports d'un type nouveau entre le public et la musique. L 'auditeur, en face d'une « symphonie » qui lui est donnée à entendre, se trouve, en quelque sorte, dans une position analogue à celle d'un spectateur en face d'un spectacle. Il ne s'agit pas, ici, comme dans le cas des œuvres musicales destinées à la scène, de traiter la musique comme accessoire de théâtre : c'est la musique elle-même qui devient un spectacle pour l'oreille. Il y a un fossé entre les exécutants et l'auditoire, comme il y a, entre la musique et le public, une distance et un recul qui n'impliquent pas nécessairement l'insensibilité : au contraire, l'histoire des concerts symphoniques apporte de nombreux exemples de « foules en délire » transportées par les seuls effets de la musique.

C'est précisément le souci de ces effets qui est la racine même de l'esprit symphonique. Si l'on admet que le concert est un spectacle, la loi du spectacle autorise – pour la bonne cause – toutes les supercheries, tous les déguisements, tous les maquillages. De même qu'il y a un art du décor, en trompe-l'œil, de même les symphonistes vont cultiver celui du « trompe-l'oreille » qui repose sur de purs artifices d'orchestration faussant la perspective sonore.

L'utilisation du grand orchestre va souvent encourager abusivement un type d'écriture « pleine », « riche », « habillée », caractérisée par une surcharge des parties intermédiaires qui donnent, comme l'on dit, du « ventre » à l'orchestre. Il en résulte en général une sorte de magma sonore qui nuit à la perception claire, mais qui, pour cette raison, a quelquefois le mérite de masquer certaines faiblesses de la composition.

Par ailleurs, la recherche d'effets « psychologiques » sans signification proprement musicale conduit le compositeur à exploiter largement les ressources de la « dynamique », usant du crescendo, du decrescendo, des accents « expressifs » ou des fortissimi à la limite du seuil de douleur. Pour les mêmes raisons, certains jouent sur l'impression produite par les grandes masses instrumentales et demandent des orchestres géants.

S'il est vrai que le genre symphonique est aujourd'hui florissant, surtout dans le domaine immense de la musique populaire, il semble que l'on écrive de moins en moins de « symphonies » au sens propre. Au reste, les musiciens qui préparent ce que l'on peut tenir pour la musique de l'avenir orientent leurs recherches dans une direction qui tourne le dos à l'esprit symphonique. L'évolution des structures sociales et les modifications apportées aux manifestations de la vie collective par les progrès de la technique ont sans doute déjà condamné la célébration du concert qui est peut-être la principale raison d'être de la symphonie. Aussi n'est-il pas déraisonnable de penser que, dans un temps assez bref, les grandes formations symphoniques ne seront conservées qu'à titre d'exemple, comme des objets de musée.

— Pierre BILLARD

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J. Haydn - crédits : DEA / A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

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