SYNAGOGUE
Les synagogues en Europe
Quelques siècles séparent les dernières synagogues construites en Terre sainte (viie siècle) des premières connues en Occident. L'extrême dispersion des communautés, leur insertion souvent conflictuelle dans les pays d'adoption, les limitations imposées par un milieu de plus en plus hostile ne pouvaient qu'accentuer la diversification stylistique des édifices, dont seul le programme gardait une certaine unité pour rappeler leur destination commune. Ces facteurs divers engendrèrent ce que l'on a appelé une « architecture de reflet », d'autant plus fidèle aux modèles fournis par le milieu ambiant que la réalisation des œuvres fut confiée, presque sans exception à des artisans locaux, puisque les Juifs n'avaient pas accès aux corporations.
La péninsule Ibérique. XIIe-XVe siècle
Bien que construites après la Reconquête, les synagogues d'Espagne conservent le style emprunté à l'architecture musulmane. Deux exemples particulièrement réussis de cette symbiose durable sont conservés à Tolède : le monument connu comme Santa María La Blanca, qui fut construit vers 1203 pour servir le culte juif avant d'être transformé en église en 1411, et la salle de prière d'Ibn Shushan, dite El Tránsito (1357), elle aussi transformée en église au xve siècle, tous deux rendus à la communauté juive. Dans les deux édifices, de vastes espaces délimités par des arcs outrepassés et le décor abstrait de stucs polychromes, formé d'un réseau d'inscriptions courant le long des murs, sont en harmonie parfaite avec la civilisation juive qui accorde, tout comme l'islam, une valeur prépondérante à l'écriture. À Cordoue, la synagogue, construite en 1315, est pourvue, à une échelle plus modeste, du même type de décor que celui d'El Tránsito. À ces intérieurs somptueux correspondent des façades très sobres, reflétant fidèlement la situation ambiguë des communautés juives.
La France et les pays germaniques. XIIe-XVe siècle
La belle structure romane de Rouen – on hésite encore sur son attribution, synagogue ou maison d'étude (yeshiva) ? –, datée de 1100, accuse d'étroites affinités avec l'architecture anglo-normande environnante, mais reste isolée parmi les édifices cultuels juifs. Après l'incendie des synagogues allumé par les nazis durant la Nuit de cristal (9 novembre 1938), suivi de la destruction systématique des communautés d'Europe de l'Est, les vestiges authentiques de constructions juives médiévales sont extrêmement rares. L'une des plus célèbres synagogues des pays germaniques, celle de Worms (1174-1175), fut entièrement détruite en 1939, et reconstruite à l'identique en 1961. Son plan à deux nefs avec deux piliers centraux fut souvent repris, notamment à Ratisbonne – synagogue connue par une gravure d'Altdorfer – ainsi qu'à Cracovie. Ailleurs, on privilégia la salle à nef unique se prolongeant par une abside pour abriter l'arche, à Miltenberg, à Bamberg et à Sopron, cette dernière est restée ouverte au culte jusqu'en 1520. La synagogue d'Altneuschul de Prague n'a conservé de son décor extérieur que le tympan, sculpté de vignes délicates.
Les scuole d'Italie. XVIe- XVIIIesiècle
L'instauration de ghettos dans certaines villes italiennes (Venise, 1516 ; États pontificaux 1555) allait de pair avec la formation d'une classe de riches banquiers qui aspiraient aux fastes du baroque et du rococo, et qui en habillèrent l'intérieur des centres communautaires. D'où la création d'une architecture synagogale caractérisée par des façades modestes, abritant des salles au décor somptueux. Des architectes de renom contribuèrent souvent à leur réalisation, tel Baldassare Longhena, l'architecte de l'église de la Salute de Venise, à qui la[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Dominique JARRASSÉ : professeur d'histoire de l'art à l'université de Bordeaux-III
- Gabrielle SED-RAJNA : directeur de recherche honoraire au C.N.R.S.
Classification
Autres références
-
BETH ALPHA
- Écrit par Gabrielle SED-RAJNA
- 328 mots
-
CASTILLE
- Écrit par Marcel DURLIAT , Encyclopædia Universalis et Philippe WOLFF
- 10 285 mots
- 13 médias
On doit joindre à ces œuvres de grand style les deux belles synagogues de Tolède, qui comptent parmi les plus remarquables monuments mudéjars. La situation privilégiée dont jouirent les juifs d'Espagne jusqu'à l'arrivée au trône des « rois nouveaux » (1369) explique la qualité rare de Santa Maria la... -
DOURA EUROPOS
- Écrit par Gabrielle SED-RAJNA
- 404 mots
Poste frontière sur la rive de l'Euphrate, Doura Europos était un centre d'habitation périphérique de l'Empire romain, qui succomba à l'attaque des Perses vers le milieu du iiie siècle. Les fouilles commencées en 1922 ont remis au jour les temples de Bel, de Zeus Theos,...
-
JÉSUS ou JÉSUS-CHRIST
- Écrit par Joseph DORÉ , Pierre GEOLTRAIN et Jean-Claude MARCADÉ
- 21 165 mots
- 26 médias
...ère. Mais tous raisonnaient en casuistes, et ils n'hésitaient pas à donner à la tradition la primauté sur la Loi. Une de leurs grandes réussites est la synagogue, qui fut l'instrument de leur influence sur le peuple. La synagogue désigne à la fois la communauté qui se réunit et le lieu où elle le fait.... - Afficher les 15 références