SYNCRÉTISME
Dans la terminologie habituelle de l'histoire des religions, le syncrétisme désigne la fusion de deux ou de plusieurs religions, de deux ou de plusieurs cultes en une seule formation religieuse ou cultuelle. Mais ce terme est inapte à définir un phénomène religieux du point de vue de la véritable recherche historique. Il est surtout réservé à présent à la polémique théologique entretenue par ceux qui opposent un christianisme authentique et originel à un christianisme « syncrétiste » qui se serait constitué sous l'influence d'apports païens et qui, comme tel, se serait transmis jusqu'à l'époque présente. Il s'agit là de la version moderne de l'ancienne polémique contre le « pagano-papisme », c'est-à-dire contre l'Église romaine en tant qu'on peut l'accuser d'être née sous l'influence du paganisme et sur des fondements païens ; cette polémique est aujourd'hui reprise et animée non seulement par les théologiens protestants mais aussi par les catholiques non conformistes. Un tel débat repose sur la croyance en une vérité méta-historique du christianisme, vérité qui aurait été contaminée par ses réalisations historiques ; c'est précisément l'image hypothétique d'une telle contamination qu'on regarde comme étant le syncrétisme, lequel prendrait ainsi une forme objective pour la phénoménologie des religions. Mais, pour la science qu'est l'histoire des religions, la notion de l'objectivité d'un prétendu phénomène syncrétiste est parfaitement dépassée. Elle a eu son heure au temps où l'on cherchait, surtout à l'aide de modèles évolutionnistes, à expliquer chaque religion par une ou d'autres religions l'ayant précédée. La reconnaissance du processus syncrétiste dans une formation religieuse n'est plus tenue actuellement pour un moyen d'expliquer cette dernière, mais n'a qu'une valeur descriptive, c'est-à-dire non scientifique. Dès lors, quand on parle de religions ou de cultes syncrétistes, on fait allusion, par simple convention, à ceux qui sont apparus dans des aires non occidentales (et, avec elle, du christianisme). Selon cette acception, le mot n'est utilisé que dans les limites d'une information presque géographique (on parlera, par exemple, des « syncrétismes africano-chrétiens » pour désigner les Églises indigènes africaines), et il n'implique pas qu'il y ait un phénomène objectif correspondant ; autrement dit, les formations religieuses appelées « syncrétistes » ne sont pas isolables du contexte culturel où elles apparaissent : mais seul ce dernier pourrait être regardé comme « syncrétisme » issu de la rencontre entre la culture occidentale et les cultures indigènes. Cependant, pas plus que pour comprendre, ou seulement pour définir, des phénomènes d'occidentalisation dans des aires non occidentales, le terme de « syncrétisme » ne se révèle adéquat en ce qui concerne les nouvelles religions apparues dans ces régions, du moins si l'on tient les religions pour des produits de la culture, relevant, à ce titre, de l'enquête historique.
Histoire du terme
Le mot « syncrétisme » (συγκρητισμ́ος) se trouve chez Plutarque (De fraterno amore, 19) avec la signification de « front uni des Crétois » : il désigne l'accord que les cités de Crète, engagées dans de perpétuelles guerres mutuelles, arrivaient à réaliser quand elles avaient à s'opposer à un ennemi extérieur. Il fut repris au xvie siècle par Érasme, qui, dans une lettre à Melanchthon (Corpus Reformatorum, I, 78), formait le souhait que, face aux dangers que le rigorisme réformé et la réaction catholique faisaient courir aux travaux des humanistes, ceux-ci parvinssent à abandonner leurs disputes et à se confédérer comme l'avaient[...]
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Écrit par
- Dario SABBATUCCI : professeur à l'université de Rome
Classification
Autres références
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ALCHIMIE
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