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SYNCRÉTISME

Christianisme et syncrétisme

À propos des « syncrétismes » hellénistiques romains, on a parfois remarqué la réalisation d'un dessein politique : ce serait le cas, par exemple, de l'institution du culte de Sérapis, qui aurait dû, dans l'esprit des Ptolémées, permettre d'unifier, en matière de religion, l'élément grec et l'élément égyptien ; ou du culte de Sol invictus fondé par Aurélien. Mais, plus profondément, l'attention des chercheurs s'est portée sur la propagande religieuse comme facteur principal de syncrétisme, propagande à sens unique, que les religions orientales mettent en œuvre par le truchement de leurs propres fidèles immigrés dans les communautés occidentales. Une fois intégrés politiquement, les porteurs de cultes orientaux, au lieu de se laisser assimiler également sur le plan religieux, auraient au contraire imposé leurs propres croyances, qui leur semblaient combler une attente spirituelle du monde romain. Tel est le schéma typique selon lequel ont été étudiés les mystères de Mithra, d'Isis, d'Attis, etc., dans leur formation et leur diffusion, ainsi que les œuvres de certains écrivains et penseurs comme Plutarque, Celse, Macrobe, etc. Ce modèle a servi également à expliquer la propagande juive et, enfin, la venue du christianisme. Au sujet de ce dernier, il convient de signaler, outre l'interprétation qu'on en a donnée avec la clé syncrétiste, la position de ceux qui, entendant par syncrétisme moins le résultat de la fusion de religions diverses que l'aptitude de l'une d'entre elles à se mettre en accord avec les autres (dans le sens de l'irénisme qui, comme on l'a remarqué plus haut, eut cours dans la controverse postérasmienne), ont caractérisé le christianisme comme un mouvement nettement antisyncrétiste et vu en cela un des principaux motifs de son succès sur les autres cultes orientaux de tendance syncrétiste.

Tous ces thèmes et schémas appartenant à une époque révolue de l'histoire des religions ont été développés, repris ou ré-élaborés à l'intérieur du champ d'études de la théologie : le « syncrétisme », concept né de la polémique théologique, retournait ainsi, après une parenthèse scientifique à ses originelles fonctions philosophiques. Il retrouva précisément un rôle auprès de nouvelles théologies germaniques (la Religionsgeschichtliche Schule et la Formgeschichtliche Methode), lesquelles – en cela réside leur nouveauté par rapport aux vieilles écoles – prétendent se situer dans le domaine de la critique historique. Pour de tels courants, le concept de syncrétisme devient essentiel, car ils tendent à redécouvrir un christianisme authentique (nécessaire) par-delà ses réalisations historiques (contingentes) dans lesquelles ils voient autant de syncrétismes issus de la fusion du message du Christ avec les traditions païennes. Particulièrement représentative de cette méthode est l'œuvre de Rudolf Bultmann, qui tient ces syncrétismes pour des « mythes » et qui, par suite, fait du processus d'épuration du christianisme une « démythisation ».

La contradiction interne de ces théologies nouvelles vient de ce qu'elles recourent à la critique historique non, certes, pour réduire le christianisme à un produit culturel, mais avec l'idée d'atteindre un christianisme méta-historique, qui ne peut donc être atteint par la pure recherche historique. Dès lors, du strict point de vue de l'histoire des religions, ces théologiens ne peuvent être rangés parmi les chercheurs attachés à l'étude scientifique du christianisme, encore qu'ils prétendent se définir comme tels : leurs buts et leurs travaux constituent eux-mêmes des manifestations objectives du christianisme et sont par là susceptibles d'être étudiés à leur tour. Leur situation se comprend ainsi très bien à partir des présupposés et[...]

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  • ALCHIMIE

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