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SYNCRÉTISME

La comparaison en histoire des religions

Pendant une certaine période, l'histoire comparée des religions, se consacrant principalement aux recherches sur les syncrétismes romains de l'âge hellénistique avec des auteurs tels que J. Toutain et F. Cumont, tenta de donner une définition du phénomène et en chercha la vérification dans les religions d'autres cultures. Furent alors regardés comme syncrétistes des faits qui ensuite se révélèrent atypiques ou spécifiques d'une seule religion. Par exemple, tenir pour un syncrétisme la « théocrasie » (fusion de plusieurs divinités, ainsi Amon-Râ-Osiris), qui est caractéristique de la religion égyptienne, c'est supposer arbitrairement que l'Égypte ancienne a connu une situation historique analogue à celle du monde hellénistique, alors qu'il est clair aujourd'hui qu'elle s'est constituée à partir d'un tout autre contexte culturel. Mais, quoi qu'il en soit de ces interprétations de détail, le prétendu phénomène syncrétiste s'est révélé de plus en plus inconsistant à mesure que s'étendait le champ de la comparaison ; il finit par disparaître tout à fait quand on constata que tous les produits culturels et non seulement les faits religieux peuvent être rapportés à des sources diverses en ce qui concerne leurs éléments constitutifs sans représenter pour autant une forme de syncrétisme. De la rencontre des différentes cultures (ainsi, les Ariens qui, à la fin du IIe millénaire avant J.-C., pénétrèrent en Inde y trouvèrent la civilisation qui est connue par les fouilles de Mohenjodāro et qui remonte au moins au IIIe millénaire) peut naître une culture nouvelle (ici, par exemple, la civilisation indienne, distincte de celle des Ariens qui avaient vécu en Perse) ; on peut alors se demander quel sens il y aurait à distinguer dans ce processus général un phénomène syncrétiste particulier.

Le fait que cela n'ait pas de sens s'explique par l'absence d'un phénomène auquel s'oppose l'éventuel syncrétisme. Autrement dit, l'histoire des religions ne fournissait pas un terme de comparaison suffisant pour permettre de relever une réalité syncrétiste ; par conséquent, le « syncrétisme » n'avait pour cette discipline aucune signification, alors qu'il en avait une pour la controverse postérasmienne dans la mesure où il permettait de s'opposer au fractionnement, même pris en bonne part, ou au rigorisme, fût-il envisagé dans un sens péjoratif ; et il en a assurément une dans l'actuelle théologie de la démythisation qui l'oppose à l'authenticité du message du Christ.

C'est par rapport à cette situation que se comprend l'effort exégétique de R. Pettazzoni qui, dans une communication au viie Congrès international des sciences historiques (Varsovie, 1933), a défini le terme « syncrétisme » par opposition à celui de « conversion ». Cette distinction se révéla féconde pour différencier, parmi les religions, celles qui ont trouvé leur raison d'être dans le prosélytisme, lequel a pour fin de convertir. Mais, si par là on arrivait bien à définir les quelques religions fondées sur le prosélytisme, il reste que, par soi, ne fut ni défini ni susceptible d'être défini le concept de syncrétisme, qui en vint alors à couvrir toute la variété des nombreuses autres religions. En d'autres termes, la manière d'être syncrétiste restait traditionnelle et commune à toutes les religions, tandis qu'un petit nombre d'entre elles cependant échappaient à cette caractéristique, ce qui permettait de les définir phénoménologiquement et historiquement en les distinguant des autres sous cet aspect même. Le phénomène à étudier n'était donc plus alors le syncrétisme, mais allait être très précisément l'antisyncrétisme.[...]

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