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SYNDICATS AGRICOLES

Restructuration et modernisation du monde agricole

L'unité imposée sous Vichy : la Corporation paysanne

Après le profond traumatisme de la défaite de juin 1940 et l'effondrement de la République qui s'ensuit, se met en place un régime autoritaire, xénophobe et antisémite, clérical et fascisant. Le néo-corporatisme hérité de la branche conservatrice du catholicisme social devient la référence doctrinale de « l'État français » pour conduire le « redressement intellectuel et moral » du pays. Et c'est dans l'agriculture que le régime dispose des forces sociales les plus favorables pour réaliser son projet. La Corporation paysanne est lancée par la loi du 2 décembre 1940. À chaque niveau territorial, de la commune jusqu'à la nation, ne doit subsister qu'une seule organisation syndicale. De même, les mutuelles, le crédit et les coopératives doivent être unifiées par branches. Dans un premier temps, la mise en place de la Corporation s'effectue par une succession de cooptations descendantes depuis le pouvoir central, puis, en retour, ces désignations sont confirmées par une suite ascendante de votes. Dans la construction de cette pyramide, les dirigeants émanant de la rue d'Athènes sont très majoritaires. Cela ne fait que refléter le rapport de force existant au niveau syndical. En général, cette unification syndicale n'a guère posé de problèmes : la dualité des structures restait assez rare dans une même commune.

En revanche, dans le domaine de la mutualité et de la coopération, les résistances furent plus vives. Contrairement à la doctrine, aucun pouvoir réglementaire ne fut dévolu à la Corporation, en raison de désaccords au sommet du régime et surtout du contexte d'économie de guerre. La Corporation, qui devait faire grand œuvre éducatif et social, s'enlise en fait dans les opérations de ravitaillement alimentaire du pays et à destination de l'occupant pour lesquelles elle est mise à contribution afin de répartir les impositions auprès des agriculteurs. En même temps, bien que l'adhésion ne soit pas obligatoire, elle est un passage quasi obligé pour les agriculteurs dans la mesure où les produits industriels qui leur sont indispensables – désormais contingentés à cause de leur pénurie – sont distribués par les syndicats locaux... Pour cette raison, la syndicalisation des agriculteurs atteint son apogée historique entre 1941 et 1948.

Paradoxalement, la Corporation a permis de renouveler très largement le personnel dirigeant à tous les niveaux et c'est à partir de cette période que de vrais exploitants prennent pleinement en main la direction des organisations professionnelles agricoles. Outre l'unification syndicale, elle a contribué à rendre autonome la mutualité et la coopération par rapport au syndicalisme et à affirmer le département comme niveau territorial privilégié de structuration professionnelle de l'agriculture.

L'unité maintenue à la Libération

À la Libération, le gouvernement provisoire de la République dissout la Corporation et la remplace par une nouvelle structure, la Confédération générale de l'agriculture (C.G.A.), composée de plusieurs branches : les exploitants regroupés dans la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (F.N.S.E.A.), la mutualité, le crédit et la coopération agricoles, les salariés d'exploitations et d'organismes agricoles. La principale différence avec la défunte Corporation est que le poids des exploitants, qui ne représentent que 50 p. 100 des voix dans la C.G.A., est dilué face aux représentants des autres branches de telle manière que la gauche s'y trouve majoritaire. Les fusions envisagées et partiellement réalisées sous Vichy dans les caisses de crédit, de mutualité et dans les organisations coopératives sont remises en cause, à l'exception des mutuelles d'assurances sociales et d'allocations[...]

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Écrit par

  • : ingénieur agronome, docteur en histoire contemporaine, ingénieur de la recherche à l'Institut national de la recherche agronomique

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