SYNTAXE
Traditionnellement, les grammairiens occidentaux envisagent l'étude de toute langue sous trois grands aspects : sémantique (ou lexical), morphologique (formation des mots et variations de leur forme), syntaxique (rapport entre les mots). Dans ce cadre, la syntaxe est essentiellement conçue comme l'étude de la combinaison des mots dans la phrase, la « construction des mots ensemble » (Port-Royal). On y traite de l'ordre des mots, de leur accord, en nombre et en genre, du régime qu'ils exercent les uns sur les autres, soit au moyen des cas comme en latin, soit au moyen de préposition (à, de). La syntaxe étudie aussi la construction des propositions et les rapports qu'elles entretiennent (subordination, coordination). La syntaxe peut être historique (étude des langues mortes ou des états antérieurs des langues vivantes), comparée (entre deux langues vivantes) ou normative (elle définit le bon usage, la correction grammaticale).
À cette tripartition de l'étude des langues l'essor de la linguistique moderne a opposé de nombreuses critiques et a, par conséquent, proposé d'autres définitions de la syntaxe. Ainsi, pour A. Martinet (Éléments de linguistique générale, 1960 ; La Linguistique synchronique, 1965), la notion de choix dont dispose tout sujet parlant amène à distinguer une double articulation dans le langage. La première articulation permet au locuteur de communiquer un message en choisissant et en combinant diverses unités douées de sens : les monèmes. Ces unités elles-mêmes ont une forme vocale et ne sauraient être analysées en unités plus petites douées de sens, mais peuvent l'être en unités permettant de distinguer les monèmes entre eux. Ces unités qui constituent la deuxième articulation du langage sont des phonèmes. Ainsi le locuteur choisit le phonème [t] pour distinguer le monème « tête » du monème « bête ». Dans ce cadre, la syntaxe se consacre à la première articulation, fait la liste des monèmes et les classe selon les fonctions qu'ils peuvent remplir dans la phrase. Cette syntaxe est dite « fonctionnelle » dans la mesure où, comme pour nombre de grammairiens classiques (Beauzée, par exemple), la notion de fonction en constitue la base. Une telle syntaxe est complétée par une étude phonologique qui s'attache à la deuxième articulation, établit la liste des phonèmes et en indique les traits pertinents.
Pour Chomsky et ses disciples, cette théorie, comme toutes celles qui l'ont précédée, est très insuffisante et ne rend que partiellement compte des faits linguistiques. Selon Chomsky, la grammaire d'une langue, c'est-à-dire la totalité de sa description, doit associer une interprétation sémantique à des signaux sonores. Toute phrase doit pouvoir être représentée dans les termes d'une théorie phonétique universelle et d'une théorie sémantique universelle. Mais, si de grands progrès ont été faits dans la constitution d'une phonétique universelle, il n'en va pas de même pour la sémantique. En outre, le rapport entre ces deux représentations, qui constitue l'objet propre de la grammaire, est très indirect et nécessite un appareil théorique plus puissant et raffiné que les modèles structuraux. D'où la place centrale accordée ici à la syntaxe. La syntaxe est la partie générative de la grammaire en ce qu'elle engendre, selon des mécanismes purement formels, toutes les suites de morphèmes considérées comme grammaticales (cette notion n'est pas normative, mais repose sur l'intuition d'une communauté linguistique qui reconnaît tel énoncé comme recevable ou non), et uniquement ces suites. La syntaxe peut être conçue comme un mécanisme fini engendrant un nombre infini de phrases grammaticales, cela grâce aux processus récursifs qu'elle comprend. La syntaxe générative représente la structure d'une phrase sous la[...]
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Écrit par
- Michel BRAUDEAU : écrivain
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