La domination ottomane
En 1515, la Syrie fut envahie par une nouvelle armée, celle des Turcs ottomans qui venaient de détruire l'empire byzantin (prise de Constantinople, 1453). Les Ottomans rencontrèrent les Mamlouks à Dābiq, au nord d'Alep, et les battirent, en 1516. En 1517, ils conquirent l'Égypte et fondèrent un nouvel empire qui allait dominer tout l'Orient arabe pendant quatre siècles.
La Syrie, province de cet empire, fut divisée en trois, puis quatre pachaliks : Damas, Tripoli, Alep puis Saïda (Saydā). Elle ne fut pas plus heureuse sous le gouvernement des pachas turcs que sous celui des na‘ībmamlūk. Aussi instables que leurs prédécesseurs, ils se montrèrent également corrompus et se livrèrent aux mêmes exactions.
Les Syriens, malgré le poids de ce régime, réussissaient à développer leur commerce avec les puissances méditerranéennes, avec l'Angleterre et les pays germaniques. Quelques petites principautés bédouines ou kurdes parvenaient à sauvegarder leur autonomie. Au Liban, les émirs Ma‘ān (Maan) arrachaient même leur indépendance, et pendant deux siècles et demi, le Liban allait non seulement échapper à la tutelle ottomane, mais encore arbitrer, grâce à la vaillance de son armée, les conflits entre pachas.
Peu de grands événements politiques marquèrent l'histoire de la Syrie jusqu'en 1832. Tout au plus peut-on signaler, pendant cette période, l'apparition de Bonaparte qui se retira du pays après son échec devant Saint-Jean-d'Acre, en 1799 ; une invasion des Wahhābites, secte rigoriste qui venait de prendre le contrôle de l'Arabie, en 1810, les révoltes des janissaires qui occupèrent Damas en 1812 et Alep de 1812 à 1819.
En 1832, un ambitieux vice-roi d'Égypte, Muhammad ‘Alī (Méhémet-Ali), qui avait réussi à se libérer complètement de la tutelle turque, envoyait son fils Ibrāhim à la conquête de la Syrie. Non seulement Ibrāhim battit les armées du sultan (Homs, Bailān, 1832), mais encore il les poursuivit jusqu'en Anatolie. Le sultan prit peur et signa un arrangement assurant à Muhammad ‘Alī la possession viagère de la Syrie et de la Cilicie.
Une fois de plus, la Syrie se trouva placée sous une domination égyptienne. Elle s'en trouva bien, au début. Libéral, Muhammad ‘Alī supprima toute discrimination entre musulmans et chrétiens, réforma la police, surveilla l'impartialité des tribunaux, assura la sécurité. Malheureusement, ses besoins militaires l'amenèrent à instituer une fiscalité abusive et une conscription impopulaire. Des révoltes éclatèrent, le sultan jugea le moment venu de tenter une reconquête de la Syrie, et il envoya dans le pays une armée de 50 000 hommes ; Ibrāhim la rencontra à Nizib, près d'Alep, et lui infligea une sanglante défaite (1839). L'Angleterre intervint alors ; l'instauration en Égypte d'un régime fort, soumis de plus à l'influence française (Muhammad ‘Alī était entouré de conseillers français), lui paraissait une menace contre la route terrestre des Indes. Elle réussit à gagner à sa cause l'Autriche, la Prusse et la Russie qui enjoignirent à Muhammad ‘Alī de restituer la Syrie à son suzerain ; devant son refus, une flotte alliée bombarda les ports du Levant, et débarqua des troupes à Saïda, Jbayl, Batrūn et Acre ; en même temps, les Libanais se révoltaient, Ibrāhim se préparait à contre-attaquer depuis Damas. Mais son père, peu soucieux d'entrer en conflit avec les trois quarts de l'Europe, lui ordonna d'évacuer le pays (1840). Ce nouvel épisode égyptien dans l'histoire syrienne n'avait duré que huit ans.
La Turquie reprit le pays en main, supprimant même l'indépendance du Liban, où elle nomma un gouverneur. Mais, après la guerre de Crimée, en 1855, les puissances européennes lui imposèrent un acte proclamant l'égalité de tous[...]