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SYSTÈME IMMUNITAIRE (ORIGINES DU)

Un troisième système immunitaire ?

Le monde animal a donc d'abord sélectionné le système robuste de l'immunité innée, efficace, totalement déterminé génétiquement et qui implique l'ensemble du corps. Il l'a ensuite complété par la sélection du système adaptatif, de plus grande précision mais plus fragile, qui implique un mécanisme de contrôle et utilise des cellules et des organes spécialisés.

Si l'on se replace dans la phylogénie des chordés, dont les vertébrés font partie, la phylogénomique nous apprend que les urochordés comme les tuniciers et les céphalochordés (comme l'amphioxus) possèdent bien une immunité innée mais sont dépourvus de système immunitaire adaptatif. Entre eux et les poissons cartilagineux existent des poissons sans mâchoires dits cyclostomes, dont il n'existe plus actuellement d'autres représentants que les myxines et les lamproies. On s'est demandé ces dernières années quel pouvait être le système immunitaire des lamproies, inné ou à la fois inné et adaptatif comme chez les poissons cartilagineux, d'autant que l'on savait que leur vaccination avec des colibacilles entraînait la production de substances neutralisantes dans leur sang, qui cependant ne ressemblaient pas à des anticorps. Les difficultés de l'expérimentation sur ces animaux n'ont pas permis d'approche physiologique directe de leurs réponses immunitaires. En revanche, les outils de la biologie moléculaire ont permis de mettre en évidence chez les lamproies, un nouveau type de système immunitaire qui combine les modalités de reconnaissance de l'immunité innée, celle des PAMPs, avec des traits caractéristiques de l'immunité adaptative tels que la production de diversité par recombinaison génétique et l'existence de populations cellulaires et d'organes spécialisés, un thymus en particulier découvert en 2011. Mais le mécanisme génétique qui produit des gènes actifs de récepteurs est totalement différent de celui de l'immunité adaptative. D'abord il utilise la cytidine déaminase au lieu de RAG. Ensuite, les molécules de reconnaissance immune des lamproies ne sont pas construites à partir de motifs de type Ig mais de motifs de type LRR comme dans l'immunité innée. Au lieu d'être codés par des gènes entiers comme ceux des TLR et des NOD classiques, les gènes actifs dans la production de ces récepteurs variables des lamproies sont issus de la recombinaison entre segments génétiques contenus dans un pool de séquences différentes. Ainsi, chez cet animal, la diversité de reconnaissance des PAMPs est assurée par une recombinaison génétique de type adaptatif et non pas par l'augmentation du nombre de gènes de type TLR ou NOD comme chez l'oursin. On a montré enfin qu'il existe deux types de récepteurs, chacun construit à l'aide d'une cytidine déaminase différente, et que chacun d'eux est associé à des cellules morphologiquement distinguables, dont les unes sécrètent des récepteurs solubles – une sorte d'anticorps –, tandis que l'autre les conserve à sa surface – un équivalent de lymphocyte T. Plus récemment encore dans le courant de l'été 2011, on a découvert qu'une de ces enzymes de recombinaison est localisée dans de petits amas cellulaires ressemblant au thymus, et situées sur les branchies. Au demeurant chez les mammifères, l'ébauche thymique se sépare des fentes branchiales pendant l'embryogenèse. La lamproie a donc sélectionné un système immunitaire adaptatif dont l'organisation mime celle retrouvée chez les poissons mais en se servant d'autres molécules et d'autres mécanismes de génération de la diversité des récepteurs.

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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