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SYSTÈME SOLAIRE

Le système solaire est l’un des très nombreux systèmes planétaires qu’abrite notre Galaxie, la Voie lactée. Autour de l'étoile centrale, notre Soleil, orbitent huit planètes, des planètes naines et d'autres petits corps, tels les astéroïdes et les comètes, ainsi que des poussières interplanétaires. La plupart des planètes sont elles-mêmes accompagnées de satellites naturels (ou lunes), de taille et de composition diverses. Les objets du système solaire présentent l’immense avantage d'être à la portée des instruments scientifiques, qu'il s’agisse de télescopes terrestres, d’observatoires spatiaux ou encore de sondes interplanétaires capables d’aller les explorer in situ. Au-delà des spectaculaires images que ces instruments nous livrent, les données collectées nous fournissent une information détaillée sur leur histoire et les conditions physico-chimiques dans lesquelles ils se sont formés. De ce point de vue, le système solaire, que l’on croyait unique jusqu’à la découverte de la première exoplanète en 1995, constitue un socle de connaissance essentiel pour l’exoplanétologie, une discipline émergente qui vise à étudier les systèmes planétaires autres que celui du Soleil et à les comparer pour mieux les comprendre.

Tour d’horizon du système solaire

Le centre du système solaire est occupé par le Soleil, dont les caractéristiques en termes de masse et de diamètre en font une étoile moyenne parmi les quelque 200 milliards qui composent la Voie lactée. Le Soleil n’est pas pour autant d’un type très répandu : moins de 10 % de ces objets célestes lui sont comparables et, parmi ceux-ci, environ la moitié ne vivent pas isolés, mais forment des systèmes dits stellaires – constitués de deux (système binaire), trois étoiles (système triple) ou plus qui sont en orbite les unes autour des autres.

La luminosité du Soleil est due aux réactions thermonucléaires qui ont lieu en son cœur, fusionnant notamment les noyaux d’hydrogène entre eux pour former des noyaux d’hélium à une température de 15 millions de kelvins (K), selon un processus physique qui n’a bien été compris qu’à la toute fin des années 1930. La surface solaire (appelée photosphère), d’une température moyenne de 5 500 K, est le siège de fréquents épisodes éruptifs, au cours desquels notre étoile éjecte dans l’espace environnant des bouffées de particules énergétiques potentiellement dangereuses pour les êtres vivants. Cependant, ces événements restent rares et limités dans la durée, ce qui fait du Soleil une étoile relativement peu active.

Il est désormais bien établi que la naissance des étoiles, par effondrement de grandes quantités de gaz et de poussières amassées au sein de vastes ensembles nébuleux appelés nuages moléculaires, s’accompagne de la formation de planètes, rocheuses ou gazeuses, et de nombreux autres plus petits corps, tels les planètes naines, les astéroïdes ou les comètes. En effet, lors de leur effondrement, et à cause de leur mouvement de rotation initiale, les nuages moléculaires s’aplatissent progressivement pour prendre une forme de galette, appelée « disque protoplanétaire ». Sauf cas exceptionnel, ces disques sont perpendiculaires à l’axe de rotation de l’étoile centrale en formation. C’est donc en leur sein que prend place la formation des planètes, qui s’étale sur des périodes allant de quelques dizaines à une centaine de millions d’années. Le système solaire, âgé de 4,5 milliards d’années, conserve l’empreinte de ces temps reculés dans les trajectoires pratiquement coplanaires de ses planètes et petits corps, presque toutes contenues, à peu de choses près, dans le plan de l’écliptique (plan de l’orbite terrestre autour du Soleil). Enfin, les orbites des corps en révolution autour du Soleil sont pratiquement circulaires, à l’exception de celles des comètes et de quelques familles de petits corps.

Dans le système solaire, il existe une certaine hiérarchie dans la succession de ces objets célestes lorsqu’on s’éloigne progressivement du Soleil. Pour s’y repérer, on utilise la distance Soleil-Terre comme unité. Celle-ci, appelée unité astronomique (ua), équivaut à environ 150 millions de kilomètres. La Terre est donc située à 1 ua du Soleil.

Cartographie du système solaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Cartographie du système solaire

Ainsi, en partant du Soleil, on trouve d’abord quatre planètes essentiellement rocheuses, dites « telluriques » : Mercure, située à une distance moyenne de 0,4 ua du Soleil, la plus petite des planètes ; Vénus, à 0,7 ua, cousine de la Terre par ses caractéristiques physiques ; la Terre, seule planète où l’eau existe à l’état liquide de manière suffisamment stable pour former des océans ; Mars, à 1,5 ua, fameuse de tout temps pour sa couleur rouge-orangé très spécifique. Ces quatre planètes sont souvent regroupées sous le terme de « planètes internes » et sont séparées des suivantes par une zone relativement étroite, située entre 2 et 4 ua du Soleil, dans laquelle circulent de très nombreux petits corps rocheux et plus ou moins métalliques, les astéroïdes. Leur diamètre s’échelonne de quelques centaines de kilomètres à moins d’un kilomètre pour les plus petits, ces derniers se comptant au moins par millions.

Passée cette zone appelée (pour des raisons historiques) « ceinture principale d’astéroïdes », les quatre planètes géantes du système solaire se succèdent. Les deux premières – Jupiter, localisée à 5,2 ua et Saturne à 9,6 ua – sont généralement qualifiées de « géantes gazeuses », car composées essentiellement d’hydrogène et d’hélium. Leur diamètre est environ 10 fois supérieur à celui de la Terre, et leur masse équivaut respectivement à près de 318 et 95 masses terrestres (MT). Leur couleur de surface tend vers le jaune, ce qui rend d’ailleurs Jupiter très facilement repérable dans le ciel. Quant à Saturne, avec ses majestueux anneaux, elle est la plus éloignée des planètes visibles à l’œil nu depuis la Terre. À quelque 19,2 et 30,2 ua du Soleil se trouvent ensuite Uranus et Neptune, deux autres planètes géantes ayant une taille et des caractéristiques physiques très semblables. Leur couleur, tirant respectivement vers le bleu-vert et le bleu profond, indique une différence de composition atmosphérique par rapport aux géantes gazeuses : de fait, elles contiennent, en plus de l’hydrogène et de l’hélium qui restent majoritaires, une quantité non négligeable d’autres composés moléculaires, comme l’eau, le méthane ou l’ammoniac. On les qualifie souvent de « géantes glacées » en raison de la grande quantité de glaces qui les composent. Bien qu’elles soient moins imposantes que leurs homologues gazeuses, elles restent bien plus grandes que les planètes telluriques, avec un diamètre de l’ordre de 4 fois celui de la Terre et une masse de 15 MT.

Au-delà des dernières planètes géantes, vers 40 ua, arrivent les premiers corps de la « ceinture d’Edgeworth-Kuiper », souvent appelés « objets de Kuiper ». Pluton, situé à 39,5 ua du Soleil, est le plus célèbre d’entre eux. D’abord classé dans la catégorie des planètes après sa découverte en 1930, Pluton change de statut en 2006 pour devenir le premier représentant de la famille des planètes naines. Bien qu’on n’ait découvert qu’environ 2 000 objets de Kuiper, on estime qu’il devrait en exister plusieurs centaines de milliers de taille supérieure à la centaine de kilomètres, et dont les plus distants pourraient être aussi éloignés que 100 à 1 000 ua du Soleil. Il est à noter que certaines familles particulières de petits corps possèdent des orbites très elliptiques qui croisent celles des planètes géantes, notamment celles de Neptune et Uranus, et plus rarement celles de Saturne et Jupiter. Il n’est pas exclu que d’autres petites planètes orbitent à de très grandes distances du Soleil, comme l’hypothétique  planète 9 (neuvième planète) ; mais il n’y a aucune confirmation de son existence, ni d’aucune autre.

Les comètes sont les corps issus des régions les plus reculées du système solaire. Formées de glaces, de roches et de matière carbonée, de taille comparable à celle des astéroïdes, elles circulent sur des orbites toujours très elliptiques, c’est-à-dire que leur périhélie (distance minimale au Soleil) est très proche du Soleil, alors que leur aphélie (distance maximale au Soleil) peut se trouver à des distances considérables, à plusieurs dizaines de milliers d’ua. Contrairement aux autres objets cités, leur orbite peut être très inclinée sur l’écliptique, voire tourner en sens inverse des planètes autour du Soleil. Elles sont facilement repérables par la présence de longues queues cométaires, dues au dégazage des matières volatiles (comme l’eau, et dans une moindre mesure, d’autres gaz comme le méthane) passant directement de l’état solide à l’état gazeux, phénomène dit de sublimation qui s’intensifie lorsque la comète se trouve plus exposée au rayonnement du Soleil à mesure qu’elle s’en approche. Une fraction des comètes provient d’un important réservoir de noyaux cométaires, appelé nuage de Oort, sorte de coquille sphérique centrée sur le Soleil et s’étendant entre 20 000 et 50 000 ua (et peut-être même jusqu’à 100 000 ua, soit environ un tiers de la distance à l’étoile la plus proche du Soleil, Proxima du Centaure). Le nuage de Oort marque ainsi la frontière ultime du système solaire.

Les planètes telluriques

Planètes telluriques du système solaire - crédits : NASA ; NASA/ JPL-Caltech ; NASA/ Visible Earth/ Blue Marble ; NASA/ JPL

Planètes telluriques du système solaire

Les planètes telluriques que sont Mercure, Vénus, la Terre et Mars occupent les régions internes du système solaire. Elles sont caractérisées par une structure interne différenciée, dans laquelle on distingue généralement une zone centrale, appelée noyau, de nature essentiellement métallique (liquide, parfois solide dans les régions les plus centrales). Sur ce noyau reposent une ou plusieurs couches au sein desquelles les conditions physiques permettent à la roche d’avoir une consistance visqueuse, voire fluide : le manteau. Dans cette région, le transfert de chaleur vers les couches plus externes se fait par convection (mouvements macroscopiques de matière). La surface de la planète, la couvrant à la manière d’une fine croûte rigide, constitue quant à elle la lithosphère, dans laquelle la chaleur se transmet par conduction thermique, sans mouvement de matière. La structure détaillée de chacune des couches dépend des particularités physico-chimiques des planètes concernées. Notons aussi que certaines grosses lunes, notamment Io et Europa autour de Jupiter, partagent certaines caractéristiques de structure interne des planètes telluriques. Enfin, ces planètes sont entourées d’une atmosphère gazeuse, dont la masse est toujours très faible rapportée à leur masse totale, et qui présente une composition chimique et des conditions physiques très variables d’une planète à l’autre.

Mercure

Caractéristiques des planètes du système solaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Caractéristiques des planètes du système solaire

Avec un diamètre inférieur à 0,4 fois le rayon terrestre et une masse d’à peine 0,06 MT, Mercure est à la fois la plus petite des planètes et la plus proche du Soleil. Sa surface présente une forte ressemblance avec la surface lunaire : très cratérisée dans des régions géologiquement très anciennes, elle présente aussi des zones bien plus jeunes qui sont formées de vastes épanchements de flots de lave volcanique solidifiée. Peu massive, Mercure a déjà évacué la quasi-totalité de la chaleur interne accumulée lors de sa formation, et ne possède pas une quantité suffisante d’éléments radioactifs pour maintenir son manteau à l’état visqueux. C’est une planète géologiquement morte depuis plus de 1 milliard d’années, bien qu’elle ne soit pas encore tout à fait refroidie en son cœur, contrairement à la Lune. Mercure se distingue par son noyau exceptionnellement volumineux comparé à sa petite taille, une caractéristique qui en fait un cas unique parmi les planètes telluriques. Elle possède une atmosphère extrêmement ténue, c’est-à-dire pratiquement inexistante.

Vénus

Les caractéristiques de Vénus en termes de diamètre et de masse pourraient presque en faire une jumelle de la Terre. Mais ce n’est qu’une façade car ces deux planètes sont différentes à bien des égards. Observée par des techniques radar à travers son atmosphère très dense et opaque au rayonnement visible, la surface vénusienne apparaît peu cratérisée, donc très jeune, ce que confirment à la fois la présence de nombreux volcans et de vastes plaines de lave solidifiée. N’ayant pas d’activité géologique liée au mouvement de grandes plaques tectoniques comme sur Terre, la chaleur produite à l’intérieur de la planète pourrait s’accumuler jusqu’à s’évacuer lors d’épisodes volcaniques majeurs, allant jusqu’à faire couler des pans entiers de la lithosphère dans un manteau rendu fluide par la température croissante.

Si Vénus ne possède pas de champ magnétique propre, ce qui la différencie encore de la Terre, elle possède en revanche un champ magnétique induit par le vent solaire qui interagit avec les ions de sa haute atmosphère (ionosphère), et qui protège efficacement son atmosphère. Sans cela, cette dernière aurait depuis longtemps été « soufflée » par le vent solaire. Les conditions atmosphériques et climatiques y sont d’ailleurs des plus extrêmes : la température au sol y est proche de 450 °C et la pression près de 100 fois supérieure à celle de la Terre. Ses nuages sont composés de gouttelettes d’acide sulfurique et d’immenses cyclones se développent dans son atmosphère, par ailleurs siège d’une importante activité orageuse, mise en évidence par la détection de bouffées d’ondes électromagnétiques dues aux éclairs qui zèbrent son ciel fortement couvert.

La Terre

Notre planète possède une atmosphère dont les conditions physico-chimiques permettent à l’eau d’exister à l’état liquide sur des étendues considérables (70 % du globe terrestre est couvert par des océans), une propriété absolument unique dans le système solaire. Sa température moyenne de 15 °C résulte de l'effet de serre, phénomène naturel qui se produit dans son atmosphère et qui a pour conséquence de retenir une partie de la chaleur reçue du Soleil, qui ne peut être évacuée vers l’espace. L’efficacité de l’effet de serre est régulée sur Terre par un cycle complexe lié à l’activité volcanique et à la tectonique des plaques, qui agit notamment sur le taux de dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère et stabilise la température atmosphérique globale. Il est désormais clairement établi que, en amplifiant l’effet de serre, les activités humaines, industrielles en particulier, ont une influence considérable sur ce fragile équilibre, étant responsables de l’augmentation de la température moyenne globale à la surface de la Terre depuis le milieu du xixe siècle et du changement climatique en cours.

La Terre possède un satellite naturel, la Lune. Cette dernière présente toujours la même région de sa surface par rapport à la Terre, car sa période de rotation (autour de son axe) est égale à sa période de révolution (autour de la Terre). Sa formation est vraisemblablement le résultat d’une collision géante entre la Terre et un embryon planétaire de la taille de Mars appelé Théia, ayant eu lieu dans les toutes dernières phases de la naissance du système solaire. Une grande quantité de matière a ainsi été éjectée dans l’espace environnant lors de l’impact, et s’est ensuite accrétée en orbite pour former la Lune. La présence de ce satellite a une action stabilisatrice sur l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre par rapport à l’écliptique (environ 23°), et donc sur le climat, et ce sur des échelles géologiques et même astronomiques.

Mars

La « planète rouge » est plutôt petite, avec un diamètre moitié moins grand que celui de la Terre et une masse de 0,1 MT. Elle possède le plus grand volcan du système solaire, Olympus Mons, dont le sommet culmine à 23 kilomètres (2 fois et demie la hauteur de l’Everest). La surface de Mars ne paraît pas divisée en plaques tectoniques : en effet, les volcans apparaissent isolés au lieu de former des chaînes, comme c’est le cas sur Terre (par déplacement d’une plaque au-dessus d’un point chaud du manteau). Mars est creusée de nombreuses vallées qui montrent que l’eau a coulé à sa surface dans un passé lointain, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Cependant, plusieurs réservoirs d’eau gelée ont été découverts par les sondes spatiales, dans des cratères et des lacs souterrains. L’atmosphère de Mars est composée à 95 % de dioxyde de carbone, mais son effet de serre est pratiquement inexistant en raison de la très faible densité de son atmosphère. Il en résulte que la température moyenne en surface n’est que de –60 °C, mais peut varier, selon les lieux et saisons, entre –150 °C et +27 °C. Des conditions assez extrêmes, et sans doute difficiles à surmonter dans la perspective de possibles missions habitées vers cette planète.

Mars est accompagnée de deux petits satellites irréguliers, Phobos et Deimos, d’une vingtaine de kilomètres de côté seulement, et qui sont certainement de gros astéroïdes capturés par la planète.

Les planètes géantes et leurs satellites

Planètes géantes du système solaire - crédits : NASA-GSFC, ESA, STScI ; NASA/ JPL/ Space Science Institute ; NASA/ JPL ; NASA/ JPL

Planètes géantes du système solaire

Les quatre planètes géantes du système solaire – Jupiter, Saturne, Neptune et Uranus – sont essentiellement composées de matière à l’état fluide (sous forme de gaz ou de liquides), ce qui a pour conséquence majeure qu’elles ne possèdent pas, à proprement parler, de surface planétaire, contrairement aux planètes telluriques. Par analogie à ces dernières, on définit cependant pour les planètes géantes un intérieur et une atmosphère, en prenant pour convention que la base de l’atmosphère se situe à une profondeur où la pression vaut 1 000 hectopascals (1 bar), c’est-à-dire celle que l’on mesure à la surface des océans terrestres. La connaissance de leur structure intérieure est donc fondée sur des mesures indirectes (de gravité, par exemple) et sur des modélisations des conditions physico-chimiques qui règnent de la base de l’atmosphère jusqu’au noyau planétaire. Les planètes géantes présentent toutes de forts champs magnétiques, responsables de phénomènes d’aurores dans leurs régions polaires, comparables à celles observables sur Terre. Elles sont également toutes entourées de fins anneaux, dont seuls ceux de Saturne ont une étendue suffisante pour les rendre visibles depuis la Terre.

Jupiter

Première planète géante à partir du Soleil, Jupiter a un diamètre 11 fois supérieur à celui de notre planète et sa masse est de 318 MT. Elle tourne sur elle-même en un peu moins de 10 heures. Sa densité ne dépasse pourtant pas un quart de celle de la Terre car elle est essentiellement formée des éléments les plus légers de l’Univers : l’hydrogène et l’hélium. Sa surface (c’est-à-dire ce qu’on voit au télescope) est marquée par de larges bandes colorées alternativement claires et sombres, dont l’étude plus détaillée révèle qu’il s’agit d’épaisses couches nuageuses localement tourbillonnantes, en rotation différentielle autour de la planète. La structure visible la plus emblématique est probablement la « Grande Tache rouge », une gigantesque tempête de 20 000 kilomètres de diamètre – plus grande, donc, que le globe terrestre – dont les vents s’enroulant autour de son centre circulent à la vitesse de 4 000 km/h en périphérie. En s’enfonçant dans la planète, la pression et la température augmentent considérablement. L’hydrogène, qu’on trouve sous forme moléculaire (dihydrogène, H2) dans l’atmosphère, est comprimé au point de se liquéfier en se comportant comme un métal – on parle alors d’hydrogène métallique. Il est très vraisemblable qu’au centre de Jupiter se trouve un noyau rocheux et glacé, composé d’éléments lourds comme le fer, mais aussi de silicates (roches), d’eau, d’ammoniac ou de méthane. La masse totale du cœur jovien est estimée à environ 5 à 10 MT.

Jupiter est accompagnée de près de 80 lunes, et la liste n’est pas encore complète. Les quatre satellites majeurs, et les plus connus, sont les « lunes galiléennes » – découvertes par Galilée (1564-1642) en 1609 grâce à l’une des toutes premières lunettes astronomiques fabriquées par ses soins. Io et Europe sont de taille similaire à la Lune, alors que Callisto et Ganymède sont plus grands d’un facteur 1,5 environ. Io est un satellite rocheux qui présente une très importante activité volcanique, son intérieur étant chauffé par la déformation des roches due aux effets de marée engendrés par la forte gravité de Jupiter. Les trois autres satellites galiléens sont au contraire complètement gelés en surface mais possèdent, selon toute vraisemblance, des océans sous-glaciaires plus ou moins profonds. Tous les autres satellites de Jupiter sont de très petite taille ; l’un des plus massifs, Amalthée, a une forme irrégulière et ne mesure pas plus de 250 kilomètres dans sa plus grande dimension.

Saturne

Saturne a une structure et une composition chimique très similaires à celles de Jupiter. Sa surface visible (la partie haute de son atmosphère) révèle une succession de bandes nuageuses claires et sombres, comme pour Jupiter mais en moins contrasté, dans lesquelles les turbulences atmosphériques ne sont en revanche pas apparentes. Comme Jupiter, Saturne tourne sur elle-même en 10 heures environ. Un point important les distingue cependant : bien que Saturne soit d’une taille et d’une masse légèrement inférieures à celles de Jupiter, avec un diamètre 9,5 fois plus grand que celui de la Terre et une masse de 95 MT, elle possède vraisemblablement un noyau sensiblement plus massif (plus de 10 MT).

Les anneaux constituent bien sûr l’élément le plus remarquable du système saturnien. Ils sont composés d’une multitude de petits corps glacés en orbite autour de Saturne, dont les tailles s’échelonnent du grain de sable au rocher de la taille d’une maison. À grande distance de Saturne, ils apparaissent comme une série de larges anneaux plus ou moins brillants mais, au fur et à mesure qu’on s’en approche, on observe des subdivisions en très fins annelets, dont la structure est généralement d’une grande complexité. Depuis leur survol rapproché par la sonde spatiale Cassinien 2017, il a été établi que Saturne n’a pas toujours possédé d’anneaux. Ces derniers résultent d’une collision destructrice, il y a quelques dizaines de millions d’années, entre deux petits satellites de Saturne, répandant aux alentours des myriades de débris dont on peut aujourd’hui admirer le magnifique agencement. Peu à peu, pourtant, ils se disperseront pour finalement disparaître complètement, à l’horizon d’une centaine de millions d’années.

Exemples de satellites naturels - crédits : NASA/JPL ; NASA/ JPL-Caltech/ Space Science Institute ; NASA/ JPL/ USGS

Exemples de satellites naturels

Les lunes de Saturne sont nombreuses : on n’en dénombre pas moins de 83. Plusieurs d’entre elles influencent la structure des anneaux par la force gravitationnelle qu’elles exercent sur eux, en y produisant des figures très surprenantes, telles des vagues de densité, des annelets spiralés ou encore des murs qui s’élèvent au-dessus du plan des anneaux. Titan est de loin le plus grand des satellites de Saturne, et l’un des plus intéressants. D’une taille égale à deux fois et demie celle de notre Lune, il est enveloppé d’une atmosphère d’azote et de méthane si dense et nuageuse que même les sondes interplanétaires Voyager, au début des années 1980, n’ont pas réussi à percer cet écran naturel pour scruter sa surface. Titan, comme la Terre, conserve à sa surface des mers et des lacs alimentés par des rivières et des pluies, avec une différence notable cependant : il ne s’agit pas d’eau sur Titan, mais de méthane, le même gaz naturel qu’on trouve dans le sous-sol terrestre.

Uranus

La première planète géante glacée, en partant du Soleil, est Uranus. Elle est invisible à l’œil nu et sa découverte,par William Herschel (1738-1822) en 1781, a nécessité l’utilisation d’un puissant télescope. Uranus tourne sur elle-même en 17 heures et l’orientation de son axe de rotation, pratiquement couché sur le plan de l’écliptique, donne l’image d’une planète qui « roule » sur un plan dans sa révolution autour du Soleil. Quatre fois plus grande que la Terre et d’une masse de 14,5 MT, Uranus présente cependant une densité moyenne comparable à celle de Jupiter. L’intérieur de la planète contient de fait une grande quantité de glaces (eau, méthane, ammoniac), en partie mélangées à des composés rocheux en son centre, puis à de l’hydrogène et à de l’hélium dans ses couches supérieures. Proche de la « surface » planétaire, à une pression de 100 hectopascals (0,1 bar), l’hydrogène et l’hélium deviennent dominants. Encore au-dessus, là où commence l’atmosphère (pression supérieure à 1 000 hectopascals ou 1 bar), on trouve quelques pourcents de méthane qui se condensent dans les nuages de haute altitude, conférant à Uranus sa couleur bleu-vert si caractéristique.

Uranus possède un peu moins d’une trentaine de lunes, qui sont toutes petites et glacées. Les deux plus grandes, Titania et Obéron, ont un diamètre qui ne dépasse pas la moitié de celui de la Lune. Un certain nombre d’entre elles, parmi les plus grosses, montrent les signes d’une activité cryovolcanique passée s’étant manifestée par des éruptions et épanchements de glaces au lieu du magma de roches fondues que libèrent les volcans des planètes telluriques. Il s’agit notamment de glace d’eau, mais aussi de glaces de dioxyde de carbone et autres molécules organiques simples – produites par l’irradiation du méthane, par exemple.

Neptune

La huitième et dernière planète du système solaire, Neptune, est pratiquement la sœur jumelle d’Uranus, avec une taille quasi identique (près de 4 fois le diamètre terrestre), une masse à peine supérieure (17 MT contre 14,5 pour Uranus) et une période de rotation presque égale (16 heures). Étant pratiquement de même diamètre mais un peu plus massive qu’Uranus, Neptune est plus dense de 25 % environ. Elle est d’un bleu profond, et sur sa surface s’étirent de rares mais longs nuages blancs. Sa structure interne et son atmosphère sont très similaires à celles d’Uranus. Neptune a été détectée par Johann Galle (1812-1910) en 1846, après que sa position eut été calculée par Urbain Le Verrier (1811-1877), lequel avait sollicité Galle pour tenter une observation aux coordonnées célestes prédites. C’est en effet l’étude de déviations inexpliquées dans le mouvement orbital d’Uranus qui avait poussé les astronomes à suspecter la présence d’une planète au-delà d’Uranus.

Neptune est entourée de 14 satellites, tous de très petite taille. Détecté la même année que Neptune, Triton a longtemps été sa seule lune connue ; la suivante, Néréide, a été observée plus d’un siècle plus tard, en 1949. Triton a pour particularité de posséder une orbite rétrograde, c’est-à-dire qu’elle tourne autour de Neptune en sens inverse de tous ses autres satellites. Il s’agit donc très probablement d’un corps capturépar cette planète plutôt qu’une lune formée en même temps que le système neptunien. En rejoignant les autres satellites de la planète, Triton a certainement induit un sérieux désordre gravitationnel, ce qui explique probablement que Neptune ait deux fois moins de lunes qu’Uranus (14 seulement, contre une trentaine pour Uranus). La deuxième grosse lune de Neptune, après Triton, est Protée. Elle n’a été découverte qu’en 1989, par la sonde spatiale Voyager 2 lors de son passage à proximité de Neptune.

Les petits corps du système solaire

En dehors des astres imposants que sont les planètes, de nombreux autres corps ont été découverts, avec des caractéristiques physiques et orbitales remarquables. Ils forment une grande famille qu'on appelle généralement « petits corps du système solaire ».

Les astéroïdes

Deux exemples d’astéroïdes - crédits : NASA/ JPL ; NASA/ Goddard/ University Of Arizona

Deux exemples d’astéroïdes

La ceinture principale d’astéroïdes est située entre Mars et Jupiter. Cérès, le premier astéroïde à avoir été mis au jour en 1801, a été découvert fortuitement alors que les astronomes étaient en quête de nouvelles planètes. Bien que les astéroïdes soient très nombreux (on en répertorie quelque 700 000), leur masse ne totalise pas plus d’un millième de la masse terrestre. Il est établi qu’ils correspondent à des blocs non utilisés lors de la formation planétaire : trop proches de Jupiter, ils n’ont pu s’agglomérer pour donner naissance à une vraie planète, en raison des fortes perturbations gravitationnelles liées à la proximité immédiate de la planète géante. De fait, certaines orbites sont interdites pour les astéroïdes à cause de phénomènes de résonance orbitale avec Jupiter. Par exemple, les astéroïdes qui seraient amenés à faire trois tours autour du Soleil alors que Jupiter n’en ferait qu’un, seraient rapidement éjectés. Ces orbites quasiment vides sont appelées « lacunes de Kirkwood ». Les résonances orbitales déstabilisent parfois les astéroïdes au point de les pousser à s’approcher dangereusement de l’orbite terrestre, rendant possible une collisionavec la Terre. C’est un impact géant de ce type qui s’est produit sur Terre, il y a 65 millions d’années, concourant sans doute à l’extinction des dinosaures.

En dehors des astéroïdes de la ceinture principale, les autres sont classés en groupes selon leurs caractéristiques orbitales. Ainsi, les « astéroïdes troyens » accompagnent Jupiter en se répartissant en deux groupes, l’un en avance sur l’orbite de Jupiter, et l’autre en retard. Les astéroïdes sont également classés en familles selon leur composition chimique. La grande majorité des informations obtenues sur ces corps célestes proviennent de l’analyse de la lumière réfléchie par leur surface et, dans quelques cas très rares, d’observations in situ grâce aux sondes spatiales. Toutes ces données sont corroborées par l’étude des météorites trouvées sur Terre, lesquelles, pour leur grande majorité, sont des fragments d’astéroïdes ayant fini leur course sur le sol après avoir traversé l’atmosphère terrestre. Parmi les classes d’astéroïdes, on peut citer notamment les types C et S. Les astéroïdes de type C sont relativement sombres (pouvoir de réflexion de quelques pourcents) et contiennent une quantité notable de matière carbonée (d’où la lettre C). Les astéroïdes de type S possèdent quant à eux une composition bien plus proche des roches, avec une forte proportion de silicates (d’où la lettre S), ce qui les rend sensiblement plus réfléchissants que les autres (avec un pourvoir réfléchissant compris entre 10 et 20 %). On a défini également d’autres types d’astéroïdes. Les objets appartenant au type M, composés essentiellement de métal (fer et nickel), qui sont probablement des fragments de cœurs d’anciens astéroïdes très massifs, où le métal a fondu pour se concentrer en leur centre, par gravité.

Les objets de la ceinture d’Edgeworth-Kuiper

Au-delà de l’orbite de Neptune existe une importante population de plus petits corps dits objets « transneptuniens » ou « objets de Kuiper », composant la ceinture d’Edgeworth-Kuiper. Cette dernière contient un grand nombre d’objets, dont Pluton, historiquement le premier représentant de cette famille. Le deuxième objet de Kuiper a été découvert en 1992 seulement, au terme d’une campagne de recherche partie de l’hypothèse, bien fondée, que le processus d’agglomération de poussières et de glaces n’avait aucune raison de s’arrêter brusquement au-delà de l’orbite de Pluton. Si environ 2 000 de ces objets sont désormais connus, il ne fait pas de doute qu’ils existent en très grand nombre, et que les plus massifs (de taille supérieure à 100 km) pourraient à eux seuls déjà se compter par centaines de milliers. Leur masse cumulée resterait cependant faible, équivalente à 0,1 MT, ce qui est toutefois supérieur d’un facteur 100 à la masse totale des astéroïdes de la ceinture principale.

La détection et l’observation des objets de Kuiper ont permis de les répartir en trois grandes classes selon leurs propriétés orbitales :

– Les « plutinos » sont une population d’objets aux orbites parfois très elliptiques et situés, avec Pluton, entre 39 et 40 ua du Soleil. Leur regroupement dans cet espace a pour origine une résonance orbitale avec Neptune, qui fait trois révolutions autour du Soleil pendant que les plutinos en font exactement deux, confinant ainsi les orbites dans une zone très étroite.

– Les objets « classiques » ont des orbites relativement circulaires et s’échelonnent pour la plupart entre 42 et 48 ua.

– Les « objets épars » ont une orbite très elliptique avec une distance maximale au Soleil (aphélie) pouvant atteindre 100 ua ou plus.

On peut aussi mentionner les corps dont les orbites ne rentrent pas dans ces catégories, comme les Centaures qui circulent entre Jupiter et Pluton sur des orbites à forte ellipticité.

La composition chimique des objets de Kuiper est peu connue du fait de leur distance considérable à la Terre et de la difficulté à obtenir des données précises. Ils contiennent fort probablement une quantité importante de glaces (d’eau, mais aussi d’azote, de méthane ou de dioxyde de carbone). Leur surface est sujette à un bombardement de particules solaires et de rayons cosmiques, qui fait évoluer leur composition chimique au cours du temps. Les impacts fréquents font quant à eux remonter en surface la matière conservée dans les couches plus profondes et moins exposée aux rayonnements, ce qui produit un renouvellement incessant des caractéristiques observables par analyse de la lumière réfléchie. Un certain nombre de ces objets sont par ailleurs accompagnés de petits satellites, dont le détail des trajectoires fournit des informations sur la densité de l’ensemble de ces objets. La sonde spatiale New Horizons, après avoir visité le système de Pluton, a fourni en 2019 des données et des images très détaillées d’Arrokoth, l’objet du système solaire le plus lointain jamais photographié in situ par une sonde spatiale. Ces observations confirment que ces objets contiennent des glaces (en l’occurrence, surtout de la glace d’eau amorphe) en plus de matériaux rocheux.

Les comètes

Exemples de comètes - crédits : NASA/ JPL-Caltech/ UMD ; (ESA/Rosetta/ NAVCAM ; CC BY-SA IGO 3.0)

Exemples de comètes

Les comètes sont des corps glacés qui proviennent des confins du système solaire. Plusieurs ont été visitées par des sondes spatiales, dont Rosetta qui a déposé l’atterrisseur Philaeà la surface de 67P/Tchourioumov-Guerassimenko en 2014. Il existe deux réservoirs de comètes dans le système solaire : les comètes dites à courte période (qui mettent moins de 200 ans pour boucler une orbite) proviennent de la ceinture d’Edgeworth-Kuiper ; les comètes à longue période, qui sont issues du très lointain nuage de Oort. Les orbites de ces dernières ne sont alors plus confinées au seul plan contenant les planètes (c’est-à-dire l’écliptique). Citons pour finir le cas des comètes interstellaires, qui proviennent de régions externes au système solaire et dont deux seulement ont été détectées : 1I/’Oumuamua en 2017 et 2I/Borissov en 2019.

Les planètes naines

Deux exemples de planètes naines - crédits : NASA/ JHUAPL/ SwRI ; NASA/ JPL-Caltech /UCLA/ MPS/ DLR/ IDA

Deux exemples de planètes naines

Certains des corps les plus gros parmi les astéroïdes et les objets de Kuiper ont acquis le statut de planètes naines. Pour faire partie de cette catégorie, un corps donné doit satisfaire à des conditions proches de celles qu’on attend d’une planète : être en orbite autour du Soleil, être de masse suffisante pour présenter une forme sphérique et, surtout, avoir aggloméré toute la matière disponible (poussières et petits corps) sur son orbite. Cinq astres seulement entrent dans la catégorie des planètes naines : Pluton, premier objet entrant dans cette catégorie ; Éris, un objet épars ; Makémaké et Hauméa, objets classiques de la ceinture de Kuiper ; Cérès, le plus gros astéroïde de la ceinture principale.

Formation du système solaire

Si les grandes lignes de la formation du système solaire sont désormais relativement bien cernées, les processus physico-chimiques à l’œuvre à chacune des étapes sont quant à eux fortement sujets à débats, au point qu’il existe de nombreuses variantes dans les modèles qui sont explorés. Au milieu des années 1990, les découvertes des premières exoplanètes (planètes en orbite autour d’autres étoiles que le Soleil) ont révélé une très grande diversité de configurations possibles de systèmes planétaires, entraînant un bouleversement profond des idées sur les mécanismes impliqués lors de leur formation. L’impact de ces détections (désormais plusieurs milliers) a été immense : en particulier, il a fallu remettre en cause les paradigmes concernant la naissance et l’évolution de notre propre système solaire – et il n’est pas exagéré de parler à ce propos de « révolution des exoplanètes ».

La nébuleuse primitive

La théorie héliocentrique de Copernic (1473-1543), qui place le Soleil au centre du monde et publiée quelques jours avant sa mort, s’impose progressivement au xviie siècle, sous l’impulsion notable de Johannes Kepler (1571-1630) et de Galilée. En 1755, Emmanuel Kant (1724-1804) propose que la matière composant le futur système solaire se serait détachée d’un chaos primitif, avant de se contracter en s’aplatissant pour donner une sorte de galette, dans laquelle Soleil et planètes seraient nés. Mais ses arguments sont essentiellement philosophiques, et les premières théories de formation des planètes, confortées par des calculs, ne sont avancées qu’à la toute fin du xviiie siècle. De fait, Pierre Simon de Laplace (1749-1827) reprend ce scénario en 1796, avec cette fois des arguments mathématiques, et propose ce qui deviendra la théorie de la « nébuleuse primitive » : un immense nuage de gaz et de poussières s’effondre sur lui-même, en raison de sa propre gravité, et s’aplatit pour donner forme à un disque protosolaire épais ; au centre, la contraction de la matière donne naissance au Soleil, et le disque qui l’entoure s’amincit considérablement pour devenir un disque protoplanétaire, dans lequel se forment finalement les planètes. Selon la loi de la gravitation universelle établie par Isaac Newton (1642-1727) en 1687, les planètes doivent alors décrire des trajectoires elliptiques pour ne pas chuter vers le Soleil.

Les étapes de la formation planétaire

Longtemps, les hypothèses les plus diverses ont été avancées pour expliquer la formation des planètes. Dans la « théorie des tourbillons » proposée par René Descartes (1596-1650) en 1644, le fluide d’éther censé remplir l’espace serait en permanence animé de tourbillons, dont les centres de rotation donneraient peu à peu naissance aux planètes. Cette théorie souffre cependant d’un criant manque de formalisation mathématique et, malgré une certaine popularité (notamment en France), elle est rapidement mise de côté. Vers le milieu du xviiie siècle, le naturaliste Buffon (1707-1788) fait quant à lui l’hypothèse qu’une comète, en passant près du Soleil, lui aurait arraché de la matière qui se serait ensuite coagulée en plusieurs planètes, à différentes distances du Soleil. Mais cette théorie est à son tour abandonnée, comme plusieurs autres à sa suite.

On admet désormais que des processus d’accrétion des poussières et des glaces présentes dans le disque protoplanétaire conduisent à la formation de gros blocs solides, les planétésimaux, dont le concept a été introduit en 1905 par l’astronome Forest Ray Moulton (1872-1952) et le géologue Thomas Chrowder Chamberlin (1843-1928).

L’étude précise de cette phase requiert l’utilisation d’une physique complexe doublée de simulations numériques poussées. Ces planétésimaux ne sont rien d’autre que les briques élémentaires à l’origine de la formation de plus gros corps : embryons planétaires, puis planètes telluriques et cœurs solides de planètes géantes. Les astéroïdes, les objets de Kuiper et les comètes du nuage de Oort sont les résidus de cette population initiale de planétésimaux. Leur taille s’échelonne typiquement de 100 mètres à 10 kilomètres de diamètre.

Dans les premières phases de la formation planétaire, les planétésimaux subissent de nombreusescollisions. S’ils sont parfois détruits, le plus souvent ils fusionnent pour former des corps de plus en plus gros, jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un nombre réduit d’embryons planétaires. Ce processus passe notamment par une phase d’emballement, où la croissance est très rapide, et se termine par une phase de croissance plus lente dans laquelle dominent les corps ayant le plus grossi. Le système solaire s’est ainsi stabilisé avec une dizaine de corps solides de masse planétaire – qui ne sont toutefois pas à l’abri de collisions géantes comme celle à l’origine de la formation de la Lune. Les planètes telluriques peuvent ainsi terminer leur formation qui aura pris tout au plus une centaine de millions d’années (soit environ 2 % de l’âge actuel du Soleil).

Le cas des planètes géantes

Les planètes géantes suivent une voie un peu différente, qui débute après l’agglomération d’embryons solides formés au-delà de ce qu’on appelle « la ligne des glaces ». Il s’agit d’une distance au-delà de laquelle il fait suffisamment froid (en raison de l’éloignement par rapport au Soleil) pour que les molécules simples – comme l’eau, le dioxyde de carbone ou le méthane – se trouvent à l’état solide (glaces). Le fait que ces glaces puissent être accrétées en plus des poussières permet de former des planétésimaux bien plus massifs. Ayant ainsi atteint une masse de plusieurs fois la Terre, les gros embryons sont en mesure d’attirer vers eux une grande quantité du gaz environnant : l’hydrogène, qu’on trouve en abondance, l’hélium (moins présent) et, dans une bien moindre mesure, d’autres gaz comme le méthane ou l’ammoniac. Lorsqu’il est amorcé, ce processus est très rapide : la future planète géante peut ainsi accumuler une grande quantité de gaz en quelques millions d’années seulement. Le gaz environnant n’ayant pas été intégré dans les planètes finit par être soit capté par le Soleil, dans les régions internes du disque protoplanétaire, soit chassé par le rayonnement solaire. Ainsi, en une dizaine de millions d’années tout au plus, les planètes géantes sont formées et le gaz entièrement dissipé. Pour être complet, il faut mentionner l’existence d’autres scénarios de formation, par effondrement direct de matière dans des zones circonscrites du disque protoplanétaire. Ce processus n’est cependant efficace qu’à une grande distance de l’étoile et pour des nébuleuses initialement relativement massives, ce qui n’est pas le cas pour le système solaire.

Migration orbitale

La découverte des exoplanètes a mis en évidence qu’au cours de leur formation les planètes sont en général soumises à des forces d’interaction avec le disque protoplanétaire, qui font évoluer leur distance à l’étoile (distance orbitale). On appelle ce phénomène « migration orbitale ». C’est ainsi que 51 Pegasi b, la première exoplanète détectée en 1995, est une géante gazeuse dont la distance orbitale ne vaut qu’un dixième de la distance Mercure-Soleil. Elle s’est bien formée au-delà de la ligne des glaces, comme toutes les planètes géantes, mais a ensuite « migré » pour finir sa course à très courte distance de son étoile. Ce phénomène de migration orbitale est en fait universel et s’applique donc aussi aux planètes du système solaire. Selon le modèle dit « de Nice », Jupiter et Saturne ont ainsi connu des épisodes de migration, qui ont notamment conduit Jupiter à s’approcher jusqu’à l’orbite actuelle de Mars, avant de repartir dans l’autre sens pour rejoindre sa position actuelle.

Vers une exoplanétologie

En 1995, les astronomes Michel Mayor (né en 1942) et Didier Queloz (né en 1966) découvraient la première exoplanète autour de l’étoile 51 de la constellation de Pégase, d’où son nom : 51 Pegasi b. Depuis, plus de 5 500 objets de ce type ont été recensés.

Ces détections ont mis en évidence que la diversité est la règle parmi les exoplanètes. La structure du système solaire n’est qu’une réalisation possible parmi bien d’autres. On trouve ainsi des exoplanètes autour de tous types d’étoiles : géantes rouges ou bleues, étoiles de type solaire ou encore naines rouges. Certains systèmes multiplanétaires sont si compacts qu’ils tiendraient entièrement dans l’orbite de Mercure. Les « super-Terres », ces cousines de notre planète, d’une masse comprise entre 2 et 10 fois celle de la Terre, apparaissent comme les plus fréquentes dans les systèmes exoplanétaires. C’est un fait remarquable, car le système solaire n’en contient aucune. Autour de 5 à 10 masses terrestres, on s’est ensuite aussi aperçu que certaines planètes n’étaient en fait pas des super-Terres rocheuses, mais des planètes gazeuses, qu’on a appelé « mini-Neptunes » (Neptune pèse autant que 17 fois la Terre). On a également découvert des planètes isolées dans l’espace interstellaire – et nommées à juste titre « planètes flottantes ». Et il n’est question ici que d’un échantillon de faits marquants !

L’étude des exoplanètes a ainsi permis de revoir dans leurs fondements les théories de la formation des planètes et du système solaire en général. Les données collectées sur ces écosystèmes planétaires rendent possible un élargissement considérable du champ d’investigation de la planétologie, en l’ouvrant sur une discipline émergente, l’exoplanétologie.

— Arnaud CASSAN

Bibliographie

J. Bell, Le Beau Livre de l’astronomie. De l'observation à l'exploration spatiale, Dunod, 2022

A. Cassan, Galilée à la plage. L’astronomie dans un transat, Dunod, 2020 ; Hawking à la plage. L’Univers dans un transat, Dunod, 2022

R. Gomes, H. Levison, K. Tsiganis & A. Morbidelli, « Origin of the cataclysmic Late Heavy Bombardment period of the terrestrial planets », in Nature, vol. 435, no 7041, pp. 466-469, 2005 (https://doi.org/10.1038/nature03676)

D. Leverington, Encyclopedia of the History of Astronomy and Astrophysics, Cambridge University Press, 2013.

Sites internet

NASA, Solar System Exploration, https://science.nasa.gov/solar-system

ESA, Science & Exploration, https://www.esa.int/Science_Exploration

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Écrit par

  • : maître de conférences habilité à diriger des recherches, Sorbonne université, Institut d'astrophysique de Paris

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Cartographie du système solaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Cartographie du système solaire

Planètes telluriques du système solaire - crédits : NASA ; NASA/ JPL-Caltech ; NASA/ Visible Earth/ Blue Marble ; NASA/ JPL

Planètes telluriques du système solaire

Caractéristiques des planètes du système solaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Caractéristiques des planètes du système solaire

Autres références

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    • Écrit par et
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