TONAL SYSTÈME
Fonctionnement du système tonal
Pour que fonctionne ce système tonal, il importe tout d'abord de voir que, dans sa pureté et dans son intégrité premières, il est diatonique. Ce qui signifie qu'il n'utilise, au sein d'une tonalité déterminée, qu'une gamme diatonique de sept sons sélectionnés à partir d'une gamme chromatique de douze sons. Une pièce de musique classique écrite tout entière dans une seule tonalité utilise ces sept sons, et rien qu'eux, dans tout ce qui concerne ses structures profondes. Si elle utilise aussi les cinq autres, ils n'y jouent pas un rôle organique, ils y figurent seulement comme notes de passage, retards ou appoggiatures.
L'armature de la pièce repose sur la hiérarchie qui a été définie plus haut et sur les tensions et attractions qui se produisent au sein des agrégations harmoniques. En fait, il est extrêmement rare qu'une pièce de musique classique demeure d'un bout à l'autre dans la même tonalité. Elle adopte une tonalité principale, souvent affirmée dans le titre même (symphonie en ut mineur), mais fait des incursions plus ou moins prolongées dans des tonalités différentes et plus ou moins lointaines.
Le passage d'une tonalité dans une autre se fait par un artifice technique appelé modulation. Il existe des façons extrêmement simples de moduler, par exemple par l'intermédiaire de l'accord de septième de dominante du ton où l'on veut se rendre, surtout s'il s'agit d'un ton voisin. Deux tons sont voisins quand ils ont un maximum de sons en commun. Par exemple le ton de sol majeur contient toutes les notes de do majeur, sauf le fa qui est altéré par un dièse ; le ton de fa majeur, toutes les notes de do majeur, sauf le si qui est altéré par un bémol. Le ton mineur relatif est également par excellence le ton voisin de toute tonalité majeure et vice versa.
La musique classique garde une certaine prudence dans les rapports entre les diverses tonalités. Plus on avance dans l'histoire, plus les relations tonales se font imprévues et lointaines, plus se développe un art de la modulation, qui varie considérablement d'un compositeur à l'autre et qui est souvent un des signes majeurs de la personnalité d'un créateur.
Cette mobilité du langage tonal correspond, dans la musique classique et romantique, à ce qu'est la variété des tons colorés sur la palette d'un peintre. Chaque tonalité a en effet sa personnalité propre, sa lumière. De même qu'il y a dans le prisme des couleurs complémentaires, il y a des tonalités qui se font mutuellement valoir par leur juxtaposition ; il y a tout un art d'éclairer le discours musical par une série de modulations comme de l'assombrir par une autre. Quant aux manières d'effectuer ces passages d'un ton dans un autre, en dehors de toutes celles que l'académisme dénombre et classe dans ses écoles, il n'y a aucune limite concevable au renouvellement que peut leur apporter l'imagination des créateurs soucieux d'exploiter le système tonal dans sa plus grande extension.
Cela dit, et aussi longtemps que le système tonal s'est maintenu dans sa cohésion et sa toute-puissance, il a été le principe même des grandes formes dans le cadre desquelles se sont exprimés les musiciens, si divers qu'ils fussent par leur tempérament et leur tendance.
L'édifice d'une œuvre musicale classique repose sur son unité tonale. C'est-à-dire sur l'installation au pouvoir, pour la durée de l'œuvre, d'une tonalité principale et sur la réaffirmation périodique de sa prépondérance. Dans une forme bithématique, cette tonalité principale fait généralement alliance avec celle de sa dominante, ce qui ne fait qu'augmenter son autorité sur l'ensemble de l'œuvre au cours de laquelle, à travers tous les développements thématiques, défileront, en nombre plus ou moins[...]
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Écrit par
- Henry BARRAUD : compositeur de musique, ancien directeur de la musique et du programme national de la Radiodiffusion française
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