PARENTÉ SYSTÈMES DE
La théorie de l'alliance
La théorie de l'alliance a eu des précurseurs parmi l'école hollandaise avec Van Wouden ; ses promoteurs furent tout d'abord Lévi-Strauss, puis à sa suite E. R. Leach et R. Needham en Angleterre et Dumont en France. C'est en 1949 que parut l'ouvrage de Lévi-Strauss intitulé Les Structures élémentaires de la parenté, qui fondait la théorie de l'alliance. Si l'analyse des systèmes de parenté forme l'essentiel de ses nombreux développements, le livre s'appuie sur une théorie générale des sociétés et met en place une interprétation structurale de la parenté fondée sur des lois universelles. Et, d'abord, la prohibition de l' inceste, qui « possède, à la fois, l'universalité des tendances et des instincts, et le caractère coercitif des lois et des institutions ». É. Durkheim avait fait appel à l'exogamie pour expliquer la prohibition de l'inceste comme un reste de règles anciennes. Pour Lévi-Strauss, la prohibition de l'inceste « exprime le passage du fait naturel de la consanguinité au fait culturel de l'alliance ». C'est-à-dire qu'elle « est moins une règle qui interdit d'épouser mère, sœur ou fille qu'une règle qui oblige à donner mère, sœur ou fille à autrui ». C'est placer d'emblée le mariage au centre des phénomènes de parenté, car il est un « archétype de l' échange ». Ainsi la prohibition de l'inceste est-elle l'expression négative d'une loi générale de l'échange, qui implique un principe universel de réciprocité que l'on voit à l'œuvre dans toutes les formes institutionnelles de mariage. Toutes les sociétés définissent solidairement les concepts de consanguinité et d'affinité, mais tandis que certaines, comme les société occidentales, se contentent de règles négatives pour déterminer les conjoints possibles, d'autres au contraire, en plus des interdits de l'inceste, établissent des règles positives permettant de choisir le conjoint. Ces sociétés présentent des structures élémentaires de parenté, qui font l'objet des études contenues dans l'ouvrage portant ce titre. Le mariage des cousins croisés, de par ses formes et ses propriétés, est l'institution la plus remarquable de ces systèmes de parenté, car elle exprime de façon complète et condensée à la fois la prohibition de l'inceste et la relation complémentaire entre consanguinité et affinité.
En effet, à partir de la prohibition de l'inceste et de la loi générale de l'échange, on peut définir une règle d' exogamie qui interdise le mariage à l'intérieur d'un groupe humain et précise du même coup les classes où l'on peut trouver son conjoint. Il en est ainsi de l'organisation dite dualiste en ce qu'elle divise la société en deux moitiés distinctes qui obéissent parfois, pour ce qui est des mariages, à une règle d'exogamie enjoignant aux hommes de ne prendre épouses que dans la moitié adverse. Cela a pour conséquence d'opérer une dichotomie entre les cousins : les uns appartiennent à la même moitié qu'Ego et sont dits cousins parallèles, les autres appartiennent à l'autre moitié et sont dits cousins croisés. Le vocabulaire de parenté classe les premiers avec les frères et sœurs, lesquels ne peuvent être des conjoints possibles ; les cousins croisés au contraire sont les plus proches collatéraux avec qui Ego puisse se marier. Soit la figure, où l'appartenance aux moitiés A et B se transmet en ligne patrilinéaire : ainsi, pour Ego, ses cousins parallèles sont-ils les enfants du frère du père et ceux de la sœur de la mère, c'est-à-dire issus d'une paire de germains de même sexe ; à l'opposé, les cousins croisés sont les enfants du frère de la mère d'Ego et ceux de la sœur du père. Mais le mariage entre cousins croisés n'implique[...]
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Écrit par
- Daniel de COPPET : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
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