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TABLEAU DE PARIS, Louis Sébastien Mercier Fiche de lecture

« Le Nouveau Paris »

1789 est venu interrompre la publication du Tableau de Paris et relancer l'écriture de Mercier, qui s'engage dans la Révolution et manque y laisser sa tête. Il dirige un périodique, collabore à plusieurs autres publications. Ce travail journalistique constitue la base du Nouveau Paris qui sort des presses à la fin de 1798 ou au début de 1799. « Je ne marche plus dans Paris que sur ce qui me rappelle ce qui n'est plus. » Le Paris de la décennie de 1780 a été emporté par la Révolution, Mercier entreprend de décrire celui de la glorieuse et sanglante décennie de 1790, sans renoncer à sa poétique du pêle-mêle.

Plus que jamais, Paris est un lieu des contrastes et des contradictions. « On danse aux Carmes où l'on égorgeait, [...] on danse dans trois églises ruinées de ma section, et sur le pavé de toutes les tombes que l'on n'a point encore enlevées : le nom des morts est sous les pieds des danseurs qui ne l'aperçoivent pas. » Plus loin, les passants pissent contre les statues brisées de Notre-Dame. Le rôle de l'écrivain est d'associer la Terreur et le cynisme du Directoire, les certitudes de l'Ancien Régime et les opinions du présent. Les espoirs de 1789 doivent être rapportés aux désillusions de 1793, les tonitruances de la vie publique aux réalités de la vie privée. Comme le Tableau de Paris, Le Nouveau Paris promène son lecteur dans une capitale, plus révolutionnée que révolutionnaire, qu'il décrit par ses hasards et ses détails. Le plus surprenant est qu'il refuse comme illusoire l'ordre chronologique. Les événements sont brouillés, et le point de vue reste celui du promeneur attentif à voir ce que les autres n'aperçoivent pas. La grandeur de Paris est d'avoir été le décor et l'acteur du drame shakespearien le plus fou. Le vote de la mort du roi devient un moment tragique et bouffon : les spectatrices dans les loges mangent des glaces et des oranges, tandis que les paris sur le résultat sont ouverts dans tous les cafés voisins. Les événements varient selon le lieu d'où on les regarde, et selon le travail de focalisation. Car « tout est optique » : la capitale de la Révolution reste un enchevêtrement de perspectives, et l'occasion des plus sidérantes rencontres. De Hugo à Baudelaire, tout le xixe siècle va piller Mercier, dont L'An 2440 annonce la géométrie hausmannienne et dont le Tableau de Paris inaugure un goût du détail, un sens du hasard qui caractérisent désormais tous les piétons de la capitale. La réédition du texte, deux siècles plus tard, l'a consacré comme une œuvre majeure du tournant des Lumières.

— Michel DELON

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Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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