TABLEAU ÉCONOMIQUE, François Quesnay Fiche de lecture
Publié une première fois en 1758-1759, repris en 1760, puis en 1766, Tableau économique définit, pour la première fois dans l'histoire de l'économie politique, une représentation abstraite et synthétique des flux d'échanges qui permettent de traduire, de période en période, l'activité de production d'un « royaume agricole ». Son auteur, François Quesnay (1694-1774), chirurgien, médecin du roi, chef de file de la physiocratie (des mots grecs physis, « nature », et cratos, « gouvernement »), est le fondateur de la première école d'économie de l'histoire moderne : la « secte des économistes », qui rassemble autour des Éphémérides du citoyen, dans les années 1760 et 1770, des disciples nombreux parmi lesquels on trouve le marquis de Mirabeau, Pierre Samuel Dupont de Nemours, Abeille, Pierre-Paul Le Mercier de La Rivière, l'abbé Nicolas Baudeau, ou encore Guillaume François Le Trosne.
Le zigzag et la formule arithmétique
Œuvre majeure par son abstraction et sa simplicité, Tableau économique s'organise autour de deux principes. Le premier est l'affirmation de l'existence d'un « ordre naturel » (physis), dont les lois constituent tout à la fois l'objet de la science physiocratique et le guide de tout gouvernement politique : « Il suffit au gouvernement, notait Quesnay dans l'article „Grains“ de l'Encyclopédie, de veiller à l'accroissement des revenus des biens du royaume, de ne point gêner l'industrie, de laisser aux citoyens la facilité et le choix des dépenses. » Le second principe est la désignation de l'agriculture comme seul secteur capable de dégager un « produit net », c'est-à-dire un excédent, que Quesnay conçoit comme un « don gratuit de la nature ».
Inspiré du circuit économique décrit par Richard Cantillon dans l'Essai sur la nature du commerce en général(1755), le Tableau se présente sous la forme d'un schéma au formalisme simple – « zigzag » dans les premières versions (1758-1759), « formule arithmétique » dans la version de 1766. Trois classes s'y trouvent mises en relation, assurant la production et la circulation du produit national : la « classe productive », celle des fermiers, qui assure les avances « primitives » et « annuelles » nécessaires à la production agricole et dont l'activité permet de dégager un produit net ; la « classe stérile », celle des artisans, commerçants et manufacturiers, dont la caractéristique de « stérilité » tient à ce qu'elle ne dégage pas de produit net ; et la « classe des propriétaires », qui rassemble les propriétaires fonciers, les décimateurs (administrateurs de la dîme, redevance sur les revenus agricoles) et le souverain, dont le rôle essentiel est de fournir les « avances foncières » qui rendent les terres aptes à la culture et à assurer la circulation du produit net. Le Tableau décrit alors les activités de production et d'échange entre ces trois classes au cours d'une période de production : la classe productive produit, achète, vend et verse une rente à la classe des propriétaires. La classe stérile produit, achète et vend, mais ne dégage aucun surplus. La classe des propriétaires achète aux deux autres classes grâce à la rente foncière qui lui est versée. Le produit net dégagé au cours de la période sert de point de départ à l'activité de la période suivante. D'où une représentation très formalisée de l'économie du royaume, considérée comme un circuit fermé, sans thésaurisation ni échanges avec l'extérieur.
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Écrit par
- Annie L. COT : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, directeur du D.E.A. d'épistémologie économique
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