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CHAULNES TABLES DE

Notes et réflexions politiques rédigées par Fénelon à Chaulnes avec la collaboration du duc de Chevreuse. L'ensemble établissait un plan de gouvernement qui était destiné au duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, lorsqu'il accéderait au trône (Fénelon avait été nommé précepteur du duc en 1689). Le duc de Bourgogne, cependant, mourut avant son aïeul. Fénelon dans cette œuvre prône la monarchie, seule capable de maintenir l'unité et la cohésion d'un grand État comme la France. Mais il s'agit d'une monarchie aristocratique et presque patriarcale : le roi y gouverne, entouré de conseils (polysynodie) qui reconstituent un peu l'ancienne curia ; il vit frugalement avec les siens des revenus de son domaine. Les états généraux, régulièrement réunis et composés des « meilleurs », sont seuls habilités à voter l'impôt, d'ailleurs modéré puisque la frugalité doit régner partout et que la guerre ne doit être que défensive. La seule source de richesse est la terre ; bien cultivée elle fournit une nourriture abondante pour tous et aboutit à un nouvel enrichissement : l'accroissement de la population. La décentralisation s'accomplit par la suppression des commissaires et surtout des intendants et par le rétablissement des pouvoirs des officiers et des assemblées locales. La vénalité des offices est abolie : officiers et magistrats sont nommés selon leur mérite et leur naissance. Il semble d'ailleurs que ce principe de la naissance retrouve toute sa force et que Fénelon veuille, tout comme Saint-Simon, mettre un terme à l'ascension de la bourgeoisie en limitant très sévèrement les possibilités d'anoblissement. Le commerce est libre. Enfin la France, abandonnant tout gallicanisme, rend autonomie et pouvoirs aux évêques. Les Tables de Chaulnes complètent et explicitent la pensée politique du Télémaque.

Les Tables de Chaulnes n'ont guère cessé, depuis leur publication en 1711, de poser des problèmes aux historiens quant aux idées politiques, selon qu'on voit en Fénelon le nostalgique d'un ordre médiéval idéalisé, profondément chrétien, fortement attaché aux valeurs aristocratiques, ou le précurseur de la philosophie naissante des Lumières. On pourrait conjecturer que Fénelon et Chevreuse, à ce point critique du passage entre le xviie et le xviiie siècle, témoignaient plus de clairvoyance dans leur critique de l'absolutisme tel que Louis XIV le pratiquait que dans les perspectives, rendues confuses par l'hésitation entre les valeurs du passé à restaurer et les besoins de l'avenir à promouvoir, du nouveau règne dont ils se voyaient les mentors : ce mélange de réaction et d'utopie n'est-il pas inévitable à chaque moment de l'histoire où il faut faire le bilan d'un règne aussi impérieux que long ?

— Solange MARIN

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