TAILLE, impôt
Prélèvement effectué par le seigneur sur la totalité des roturiers dont il assurait la protection, la taille était, au Moyen Âge, fixée par la coutume et totalement arbitraire. Au cours du xiie siècle, les communautés villageoises tentèrent d'imposer, à prix d'argent ou au besoin par la force, l'abonnement de la taille, c'est-à-dire un accord en limitant le montant et la périodicité. La taille arbitraire était en effet considérée comme une marque de servitude. La taille abonnée devint alors un prélèvement foncier peu à peu confondu avec le cens ou constituant une forme particulière de celui-ci.
La taille royale est toute différente : à l'origine impôt exceptionnel, figurant, jusqu'à la Révolution, au chapitre « extraordinaire » des ressources royales, la taille devint, du fait de la guerre de Cent Ans, un impôt annuel et permanent dès 1439, et resta jusqu'en 1789 la principale contribution directe.
Le régime fiscal de la taille était d'une extraordinaire complexité. C'était un impôt de répartition : l'administration centrale, ayant évalué ses besoins ainsi que les facultés des populations, répartissait ses réquisitions entre les trente-deux circonscriptions dites « généralités » qui se partageaient l'ensemble du royaume. Toutefois, certaines provinces (Bretagne, Bourgogne, Provence et, surtout, Languedoc), ayant conservé d'anciennes franchises, possédaient des assemblées (états) qui négociaient âprement avec l'intendant de la généralité le montant de leur impôt et se chargeaient de son recouvrement. C'étaient les pays d'état. Le reste du royaume était pays d'élection, du nom des subcirconscriptions des généralités entre lesquelles l'intendant répartissait la taille de sa généralité. Les élus (officiers de l'élection) partageaient alors la taille en leur circonscription entre les différentes paroisses ou fractions de paroisse de leur ressort. L'assiette de cet impôt était variable selon les régions. Dans la majeure partie du royaume, il s'agissait de l'ensemble des revenus de chaque contribuable, selon l'estimation qu'en faisaient les collecteurs locaux. C'était la taille personnelle, dont le clergé et la noblesse étaient dispensés, de même que les habitants de beaucoup de villes, notamment les plus importantes.
En revanche, dans le Languedoc, après 1691, et dans le Dauphiné, l'assiette de la taille était la quantité de terre possédée, affectée d'un coefficient en rapport avec la productivité du sol. Il y avait, en Languedoc, une exemption d'impôt pour les terres réputées « nobles » et, en Dauphiné, une exemption pour les propriétaires nobles et/ou ecclésiastiques. Pour asseoir cette taille foncière (ou réelle), les communautés faisaient établir périodiquement et tenaient à jour un compoix (matrice cadastrale) qui permettait ensuite une juste répartition. Le Languedoc, pays d'état, était de plus divisé en diocèses civils qui comprenaient plusieurs paroisses, chacun possédant son compoix diocésain. Ce procédé, très favorable aux villes puisqu'il excluait les revenus non fonciers, n'avait pas que des défenseurs. En toutes régions, l'établissement du rôle et le recouvrement de l'impôt (à raison de quatre « quartiers » par an) incombaient à des hommes du cru, désignés chaque année par la communauté rurale ou paroissiale. C'était une charge d'autant plus détestée que les « collecteurs » étaient responsables sur leurs propres biens et s'attiraient de surcroît de solides rancunes.
Tout ce système, lourd à manier, très injuste dans l'ensemble, quoique équitable dans le détail, n'assura jamais des revenus suffisants ni surtout réguliers à la monarchie qui ne put, durant des siècles, remédier à ses perpétuelles crises de trésorerie[...]
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Écrit par
- Françoise MOYEN : licenciée en histoire
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