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TAIPING [T'AI-P'ING]

Les rebelles Taiping, qui animèrent une grande insurrection en Chine de 1850 à 1864, étaient les adeptes d'une religion dont le syncrétisme alliait à des éléments de traditions populaires anciennes (taiping signifie « grande harmonie ») de nombreux emprunts chrétiens.

Leur chef, Hong Xiuquan, malade et déprimé pour avoir échoué trois fois aux examens officiels, avait eu en 1837 des visions célestes. Il en fit une description détaillée quelques années plus tard : au Ciel, on lui avait ouvert le ventre et remplacé ses vieux organes par de nouveaux. Ensuite, la Mère céleste, qui l'avait appelé « mon fils », le fit se baigner dans une rivière et s'y purifier ; elle le conduisit devant un vieil homme qui avait l'air d'un souverain dont la majesté semblait au-delà de toute mesure, et qui se révéla n'être autre que le Père céleste des chrétiens, créateur du monde et des hommes. Celui-ci avait condamné Confucius et son enseignement, et exposé à Hong que le monde avait abandonné l'adoration de l'unique vrai Dieu pour se tourner vers l'idolâtrie sous l'impulsion des diables, qui d'ailleurs ne s'agitaient pas seulement sur terre mais aussi dans les trente-trois Cieux ; le chef suprême de ces diables, Yanluo, était capable de dix-huit transformations. Le Père céleste avait chargé Hong de combattre l'idolâtrie et d'instaurer le royaume du salut sur la Terre. Il lui avait remis un sceau qui confirmait son autorité pour lutter contre les diables, et une épée pour les anéantir. Il lui avait également conféré le titre de roi céleste de la Paix universelle (taiping tianwang).

Ce n'est qu'en 1843, après un nouvel échec aux examens, que Hong déclara comprendre le vrai sens de ses visions : Jésus, premier fils de Dieu, fils né de la Mère céleste en naissance céleste et né de Marie en naissance terrestre, n'avait pas réussi, malgré sa mort sur la Croix, à accomplir sa charge divine. Celle-ci était maintenant transférée à Hong, lui-même deuxième fils de Dieu, né en naissance céleste par la Sainte Mère céleste, et donc frère cadet de Jésus, pour libérer le monde de l'idolâtrie et de la domination des diables, domination illustrée entre autres par la dynastie des Mandchous. En 1846, Hong eut l'occasion de suivre pendant deux mois à Canton, l'enseignement du missionnaire baptiste américain Issachar Roberts. Mais déjà, en 1843, Hong avait commencé à prêcher la nouvelle foi, y gagnant des amis, des membres de sa famille et, enfin, les foules. Cette évangélisation conduisit à la formation de l'association des Adorateurs de Dieu (Baishangdihui) d'où est sorti le grand mouvement des Taiping.

Les croyances de ces nouveaux chrétiens sont évidemment loin de l'orthodoxie, soit catholique, soit protestante. Ainsi le Père céleste, très anthropomorphe, est un père de famille avec une première et une seconde épouse, père à qui son fils Jésus a amené une belle-fille. Les Taiping n'admettent ni la divinité du Christ ni l'eucharistie. La Trinité est acceptée tant bien que mal, mais le Saint-Esprit n'est que la voix de Dieu, par laquelle il transmet ses ordres en descendant sur l'un ou l'autre des deux grands assistants de Hong. Cette religion exige la stricte observance d'une morale personnelle et d'une morale communautaire, qui se réfère aux Dix Commandements et comporte les notions de péché, de repentir et de rémission. Le baptême est conféré, après qu'une confession des péchés a été faite par écrit puis brûlée, le baptisé promettant de ne plus pécher, de ne pas vénérer les idoles et d'observer les commandements de Dieu. La prière est à pratiquer le matin et le soir, le dimanche, les jours des fêtes et à maintes occasions. On prie pour les morts. L'ascension au paradis est assurée aux combattants tombés à la bataille. L'adultère et la prostitution sont condamnés.[...]

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  • : diplômé de l'École nationale des langues orientales vivantes, assistant de recherche à l'École pratique des hautes études

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